Du Marvel à la française – Dans les tranchées de Verdun, Xavier Dorison fait naître Taillefer. Sentinelle d’acier et de chair, le super-héros veille sur les dernières illusions de la nation.
De Xavier Dorison et Enrique Breccia, éditions Delcourt.
Un buste, une tête et beaucoup de sang. Voilà ce qu’il reste du jeune scientifique Gabriel Féraud après l’explosion d’un obus de 77 dans le no man’s land qui sépare les lignes françaises des tranchées allemandes. Rapatriés à l’arrière par un soldat chargé de sa protection, les restes du lieutenant vont passer entre les mains du médecin responsable d’une section de recherche chargée d’un programme secret capable de mettre rapidement fin à la guerre.
Frankenstein d’acier et de chair, Gabriel Féraud reprend donc vie pour devenir le héraut des poilus, le golem indestructible qui les mènera à la victoire sans crainte de la mitraille. » Passionné de Marvel dans mon jeune âge, j’ai eu envie de raconter l’histoire d’un super héros, s’enthousiasme le scénariste Xavier Dorison. Comme je ne suis pas assez manichéen pour inventer un vrai personnage de comics à l’américaine, j’ai utilisé la guerre de 14 pour créer un univers dans lequel il était possible de faire évoluer un super-héros à visage très humain. Très européen, j’ai envie de dire. Pour rendre cette histoire crédible, il fallait un dessin classique, presque vieilli pour contrebalancer l’aspect moderne du récit fait de textes off, de mélanges de photos et de découpages très serrés. »
De guerre lasse
Ce dessin à l’aspect vieillot (que l’on croirait sorti d’un magazine Pilote des années 70), la responsable de Delcourt l’a judicieusement trouvé chez Enrique Breccia, le fils du grand dessinateur Alberto Breccia. » Enrique est argentin, explique Dorison. Avant d’entamer notre collaboration, je me demandais s’il allait comprendre la Première Guerre, lui qui n’a pas cette culture. Du coup, il est venu sur le terrain pour se nourrir des paysages et des ambiances que l’on trouve encore sur certains champs de bataille. Je pense que le résultat final est concluant. Même s’il en a parfois la couleur, son dessin n’est pas patriotique. Dans une guerre, on se bat rarement pour une idée. Avec l’usure, l’idéologie s’efface toujours et l’on finit par se battre simplement pour le type qui est à côté de soi. Enrique fait bien ressortir cet aspect-là des choses. »
Sortis simultanément, les deux premiers tomes de la série Les Sentinelles sont accompagnés d’un cahier graphique inédit et d’un entretien avec Dorison. La suite n’est pas attendue avant une bonne année. » Ça prend du temps d’écrire un Sentinelle . Le premier devoir d’un scénariste c’est de ne pas ennuyer son lecteur. Il faut donc écouter ses remarques et utiliser la difficulté pour avancer, transformer une objection en bonne scène. On arrive alors à raconter une bonne histoire qui, comme un conte, transmettra certaines valeurs. Du moins, c’est ce que j’espère« , conclut Dorison.
Vincent Genot
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