Les infiltrés – Hezbollah, l’enquête interdite
Les images font froid dans le dos. Horribles. Glaçantes. La fumée apparaît au loin dans un boucan assourdissant. Les vitres sont soufflées. Les corps valdinguent comme de vulgaires poupées. Le 4 août 2020, à 18 h 07, une explosion d’une puissance inouïe fait trembler et dévaste Beyrouth. 215 morts. 6 500 blessés. La ville entre dans un cercueil dont elle n’est toujours pas sortie. Ce jour-là, 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium ont sauté dans le port. La substance est utilisée soit comme engrais, soit comme explosif. Et celui-là était de haute densité, il n’y a aucun doute sur son usage. Le Hezbollah (le “Parti de Dieu”) ne peut pas dire qu’il ne savait pas. Rien ne se fait dans le port de Beyrouth sans qu’il ne soit au courant. Mais le mouvement islamiste inféodé à l’Iran, qui contrôle une grand partie du Liban, refuse toute enquête indépendante sur les causes du drame. Hezbollah, l’enquête interdite raconte un parti politique aux allures respectables (il envoie des députés au parlement et ses ministres participent au gouvernement), une organisation religieuse et sociale populaire qui construit des hôpitaux et des écoles pour la communauté chiite. Et une redoutable milice mieux armée et mieux entraînée que l’armée libanaise. Il dévoile surtout une organisation terroriste internationale. “À faire passer Al-Qaïda pour des petits joueurs.”
Bien filmé, bien ficelé, le documentaire en trois parties de Jérôme Fritel (Mittal, la face cachée de l’empire, Daech, naissance d’un état terroriste) et Sofia Amara (Syrie: dans l’enfer de la répression, Les Enfants perdus du Califat…) prend pour fil rouge l’opération Cassandre. Elle débute en Colombie où la DEA place sur écoute des trafiquants de cocaïne et intercepte beaucoup de conversations en arabe. D’après ses renseignements, le Hezbollah est en train de s’implanter en Amérique du Sud, de se lancer dans le trafic de coke et le blanchiment d’argent. L’agence fédérale américaine infiltre des agents. Tellement bien que l’un d’entre eux arrive à devenir un lieutenant du cartel de Medellín et dirige leurs opérations au Proche-Orient. Prise d’otages (le fameux avion détourné à Beyrouth en 1985), coup d’État (“il marche sur Beyrouth comme Mussolini sur Rome”), réseaux de financement clandestin (et l’impunité toujours)… Des flics américains racontent leur infiltration. Les hauts dirigeants du Parti de Dieu s’expriment. Le tout avec un rythme et une narration de thriller. À voir.
Documentaire en trois partis de Jérome Fritel et Sofia Amara.
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