NICK HORNBY IMAGINE LA CARRIÈRE TÉLÉVISUELLE D’UNE JEUNE PROVINCIALE DANS LE LONDRES DES ANNÉES 60. HÉLAS, DIFFICILE DE NE PAS ZAPPER…
Funny Girl
DE NICK HORNBY, ÉDITIONS STOCK, 418 PAGES.
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Sur une plage de Blackpool, cité balnéaire populaire de l’Angleterre, Barbara, joli brin de fille qui vit seule avec son père, se présente pour le contenter à un concours de miss qu’elle remporte haut la main et légèrement dévêtue dans un froid de canard. Cinq minutes après ce triomphe, la jeune femme renonce à ce prix: elle se décide à tenter sa chance comme comédienne dans le Swinging London et faire rire comme Lucy Ball, héroïne locale à laquelle Barbara ressemble physiquement.
La chance lui sourit, bien aidée par sa beauté et son aplomb: l’aspirante comédienne décroche un rôle dans une « comedy playhouse » concoctée par une fine équipe. La belle blonde qui se fait désormais appeler Sophie devient la vedette principale d’une série légendaire intitulée Barbara (et Jim) dans laquelle un joli garçon du nom de Clive lui sert de faire-valoir et lui donne la réplique dans le rôle du mari. Un partenaire avec lequel, dans la vraie vie, elle finit par se fiancer. Ou quand la réalité repasse la fiction…
Portrait du Londres vibrant des années 60, du développement de la télévision, de l’émergence du rock et de la culture populaire en général, Funny Girl est l’occasion pour Nick Hornby de mêler roman et faits réels en faisant se croiser l’héroïne et George Best, Jimmy Page, Marianne Faithfull, Terence Stamp ou Harold Wilson, Premier ministre britannique. Des figures que le lecteur continental peut situer, au contraire des références et personnalités télévisuelles anglaises de l’époque (comme la fameuse Lucy Ball, que personne ne connaît de ce côté-ci de la Manche, au contraire de Doris Day, dans le genre blonde explosive).
Une éducation
Le roman lui-même est d’ailleurs parsemé de photographies d’époque, du poupin Mick Jagger par exemple, d’affiches ou d’extraits de films censés permettre de mieux situer l’époque et le genre. Ce qui donne à l’ensemble des allures de synopsis, et au livre un style scénario de film. Impossible de ne pas penser en le lisant d’ailleurs à Une éducation qui voici cinq ans a permis de découvrir Carey Mulligan: un excellent long métrage dans lequel Hornby officia comme scénariste; l’histoire de la découverte de la vie (sexuelle entre autres) par une jolie jeune fille sage… en Angleterre dans les années 60.
Manque ici, malgré l’incessant jeu de répliques, la drôlerie typique du Nick Hornby de High Fidelity ou Carton jaune, combinée à cette légère gravité qui affleurait si gracieusement dans A propos d’un garçon. N’est pas Billy Wilder qui veut. C’est seulement aux trois quarts de ce livre qui conte les débuts, le triomphe et la chute d’une série télévisuelle qu’une certaine profondeur se fait jour, lorsque le couple fictionnel attend un enfant et que la mère de Sophie refait surface. Car bien qu’il aborde par moments le thème de l’homosexualité, taboue à l’époque, du langage cru et de la référence au sexe sur le petit écran face aux interdits victoriens, difficile pour le lecteur de se passionner pour ce long roman qui, au contraire de la série qu’il décrit, ne fait guère réfléchir ou rigoler. A moins, comme au temps des vieux feuilletons humoristiques, de le lire flanqué… de rires enregistrés.
BERNARD ROISIN
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