Même si l’on reconnait toujours son trait, Pedrosa sait adapter son dessin pour le mettre au service de l’histoire qu’il raconte. Cette humilité graphique lui va bien.
Cyril Pedrosa peut tout faire un crayon à la main. A l’aise dans le bouffon, il arriverait presque à vous tirer des larmes avec ses récits intimistes. Sa récente actualité est d’ailleurs là pour le prouver. En moins d’un an, il a signé trois albums aux genres totalement différents.
GRAVE
Perdre un enfant est sans aucun doute l’épreuve la plus dramatique à vivre pour des parents. Dans Trois ombres (collection Shampooing, chez Delcourt), Cyril Pedrosa aborde cette question en faisant le récit d’un voyage entrepris par un père et son fils. » Joachim et ses parents vivaient heureux au creux des collines. Puis les ombres apparurent et rien ne fut plus comme avant. » Pour ne plus voir les ombres, il faut les fuir ou, au contraire, les accepter et profiter du temps qu’il reste avant qu’elles n’envahissent tout. A la différence de sa femme, le père de Joachim n’accepte pas l’inacceptable. Il lui faudra le temps d’une fuite éperdue, et perdue d’avance, pour admettre la séparation et rester du côté des vivants. Récit unique, Trois ombres raconte la vie qui passe et qui continue sans nous. Admirable! L’album a d’ailleurs été primé au dernier festival d’Angoulême dans la catégorie des « Essentiels », un titre qui lui va à merveille.
LéGER
» En matière de dessin, j’aimerais garder la liberté que j’ai connue avec Trois ombres, explique Pedrosa. Ce qui ne veut pas dire continuer à dessiner de cette façon. Il s’agit plutôt de dessiner chaque histoire comme elle se doit et non pas comme je sais le faire. » Chez Fluide Glacial, où il vient de publier Auto bio, le dessinateur a mis cette idée en pratique. Dans un dessin moins austère, coloré et plus cartoon, il décrit les déboires d’un père confronté à une famille qui a fait de la sauvegarde de la Terre sa priorité. Entre la protection des mauvaises herbes, les crêpes au lait de riz et les dérives de l’école Freinet, Pedrosa semble prendre les choses de la vie avec plus de légèreté en n’oubliant pas, et c’est là une de ses forces, de nous faire rire (et donc, réfléchir) avec l’essentiel.
COQUIN
Fraîchement sorti des presses de Delcourt, Premières fois couche sur le papier l’intimité des plaisirs charnels et la découverte de certains jeux sexuels. îuvre de la jeune scénariste Sibylline, l’album est mis en images par une dizaine de dessinateurs. Pedrosa en signe le chapitre Soumission. Dans un noir et blanc qui rappelle celui de Trois ombres, son trait se rapproche parfois de la sensualité qui se dégage de certains portraits de femmes réalisés par Egon Schiele. » L’histoire que j’ai proposée à Cyril, précise Sibylline, parle de cet étrange moment où l’on s’abandonne absolument. Celui où le corps appartient à l’autre; celui où l’on s’offre pour laisser la douleur et le plaisir s’entremêler. Cyril a su apprivoiser, raconter avec moi l’intensité et la force incroyable d’une expérience comme celle-là. Une belle claque, en quelque sorte. » Le compliment colle parfaitement à cet artiste aux multiples facettes.
Vincent Genot
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