L’âge et la manière
La Révolte des vieux
Journaliste, biographe, essayiste, éditrice et productrice, l’ancienne directrice de France Culture Laure Adler est de son propre aveu l’une des plus vieilles à passer régulièrement à la télévision. Laure Adler a fêté ses 70 ans le 11 mars 2020. Le lendemain, Emmanuel Macron demandait aux plus de 70 ans de ne pas quitter leur maison. “Les vieux, restez chez vous! Voilà ce que j’ai entendu.” Et Laure, ça ne lui a pas plu des masses. Le Covid a bon dos. Elle a compris ce jour-là qu’elle faisait partie d’une certaine catégorie. Celle des seniors. Pour ne pas utiliser ces mots qui dégoûtent: les vieux. “Cachez ces rides que je ne saurais voir.” Adler ne comprend pas cette volonté de rendre les aînés invisibles. Alors, elle a décidé de mener l’enquête, de poser des questions, de trouver des réponses.
Le sujet est fondamental. La France est un pays de vieux qui va devenir de plus en plus vieux et qui fait semblant de ne pas s’en apercevoir. L’espérance de vie a augmenté de 30% ces 30 dernières années. Plus de 15 millions de Français ont dépassé les 60 ans. Et en 2050, 5 millions de femmes seront nonagénaires. Adler va à la rencontre de jeunes en leur demandant ce qu’ils pensent des vieux. “La vieillesse les dégoûte et les jeunes pourtant adorent leurs grands-parents.” Elle parle surtout beaucoup avec des personnes âgées et celles qui les côtoient au quotidien. Elle discute avec son grand ami Edgar Morin, philosophe, sociologue et centenaire qui évoque une conception quasi raciste de l’âge. Elle écoute le gérontologue Michel Allard, grand spécialiste des vieux, avancer qu’en 2050 une fillette sur deux deviendra centenaire.
Vieillir, certes, mais dans quel état? Et dans quel contexte? Il faut dire que le cerveau, malgré ses ratés, est notre organe qui résiste le mieux au temps. “Avec l’âge, on perd tout. On perd ses cheveux. On perd ses dents. On perd courage. On perd le nord. On perd la boule”, résume une nonagénaire toute pimpante. Pour elle, la tonalité forte reste la tristesse. Rien à voir avec Josette et Claude, 170 piges à eux deux, qui sont devenus des stars de TikTok et ont appris ce que voulaient dire “thug” et “swag”. Adler évoque leur manque de représentation dans la rue et les médias (“montrer des vieux n’est pas vendeur”). Elle se rend en Afrique, où la vieillesse n’est pas considérée comme une triste fatalité, et rencontre au Sénégal une femme de 77 ans qui a créé une école de danse pour les anciens. Ehpad, musicothérapie, sexe… Tout le monde a été jeune mais tout le monde n’aura pas la chance de devenir vieux. Qui dit mieux?
Documentaire de Laure Adler et Jérémy Frey.
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