De Marie-Sabine Roger, Éd. du Rouergue, 217 pages.
Lire des bouquins, c’est comme marcher dans un champ de luzerne. Jusqu’au jour où, ô miracle, vous trouvez un trèfle à quatre feuilles… Ce livre en est un. Il est unique. Du genre à vous donner envie d’embrasser l’auteur pour le bonheur qu’il vous a offert. Cela n’arrive pas souvent.
Germain est un gars un peu simple. Pas con, mais limité par une enfance merdique, avec une mère qui n’a jamais su lui montrer son amour autrement que par des taloches et des reproches. Pourtant, à sa mort, il s’apercevra qu’elle l’aimait quand même. A sa manière. Un jour, alors qu’il s’adonne à son activité favorite dans le parc- compter les pigeons -, il rencontre Margueritte, une vieille dame qui lui fait découvrir le plaisir de la lecture. D’elle, il dit: » Elle parlait de façon compliquée, tout en guirlandes et poils de cul, comme les gens bien élevés. » Peu à peu, une vraie complicité se lie entre eux. Et Germain, qui était la risée de ses copains de bistrot, commence à les intriguer. A les inquiéter aussi. Parce que citer Camus quand on vous prend pour un gogol, ça déstabilise. Je ne peux résister à l’envie de partager quelques pépites: » Les filles, c’est comme les bouteilles, il faut pas les lâcher tant qu’on voit pas leur cul. » Ou: » Elle a un cul à gagner de l’or, mais elle a une gueule à le perdre. »
Ce qu’il y a d’étonnant dans ce récit plein de fraîcheur, d’humour, de tendresse et d’une profondeur distillée tout en petites touches délicates, c’est que c’est écrit par une femme. Or, le langage du mec un peu simplet est d’une justesse et d’une finesse inouïes.
Marie-Sabine Roger est surtout reconnue dans la littérature jeunesse. D’où sans doute cette liberté de ton, qui crée l’impression qu’elle gambade joyeusement entre les lignes, sans se soucier du qu’en dira-t-on ni des règles. Cela donne un bijou! On a envie de s’asseoir sur ce banc avec ces deux zouaves-là et d’y rester. Au point que je me mettrais bien à compter les pigeons… Ne vous laissez pas berner par la couverture – plutôt moche – car elle renferme un vrai trésor qui justement aurait mérité un autre « habillage ». Un bouquin qui laisse des traces d’Amour et des pétales de marguerite au fond du c£ur, c’est très rare.
Nadine Monfils
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