La dystopie grinçante de Salomé Crickx
Comédie noire, Se dit d’un cerf qui quitte son bois, le premier court de la réalisatrice belge Salomé Crickx, aura marqué les esprits au Saguenay, obtenant le prix de la critique québécoise, qui saluera notamment la capacité de cette fable absurde à divertir comme à faire réfléchir. Cinéaste au background théâtral, la Schaerbeekoise y met en scène une dystopie où le problème du vieillissement de nos sociétés trouve une solution radicale mais consentie, manière aussi d’aborder par l’humour une thématique grave. Ce petit bijou de film grinçant, Salomé Crickx l’a financé en recourant au crowdfunding: “J’avais un autre projet de court métrage pour lequel j’avais trouvé une productrice avec qui on avait remis des dossiers, mais qui n’a pas abouti, raconte-t-elle en dégustant un thé au Café Cambio, une coopérative située au cœur de Chicoutimi. Le fait de me perdre dans les méandres des dossiers, ça m’a soûlée, et je me suis dit: “Ok, j’ai une idée d’autre chose, je l’écris, et je le tourne sans le sou.” Et c’est ce qui s’est passé: on a fait un KissKissBankBank avec lequel on a récolté 2 400 euros, et j’y ai rajouté mes économies. On a tourné le film avec 8 000 euros en tout, personne n’a été payé, c’était un projet de copains-copines à la base.” Ou le Do It Yourself dans toute sa splendeur, avec les questions relatives à la précarisation du milieu que cela soulève, pour un projet que rejoindra ensuite Laurence Buelens, de Rayuela Productions, le film bénéficiant d’un budget de postproduction.
L’idée de la mue annuelle qui donne son point de départ au scénario, la réalisatrice explique qu’elle découle d’un conflit survenu en son temps avec ses parents, illustration d’un fossé générationnel qu’elle a su mettre en scène de la manière la plus imagée et la plus radicale qui soit. Pour un film qui, s’il est court -20 petites minutes- ne s’en prête pas moins à des interprétations multiples, tout en étant en phase avec des enjeux essentiels de notre époque. “J’ai voulu montrer le complexité du débat sans donner de réponse ni que la morale ne soit explicite, ça ne m’intéresse pas.” Et de citer plutôt l’inspiration revendiquée de Yórgos Lánthimos avec son “espèce de froideur, un désespoir abyssal”, P’tit Quinquin de Bruno Dumont aussi, à quoi l’on ajoutera un soupçon de C’est arrivé près de chez vous avec lequel Se dit d’un cerf qui quitte son bois partage un certain esprit en plus d’un titre à rallonge. Un cocktail qui a séduit Regard. “Un vrai cadeau! Le fait que le film fonctionne en festival et plaise me procure une fierté immense parce qu’il a été fait avec mes petits moyens, avec mes amis et grâce à la générosité de ma tribu.” En attendant sa présentation sur les écrans du Brussels Short Film Festival dans quelques jours…
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