La Destitution du peuple
Encore les Gilets Jaunes? Encore la pandémie? Oui. Sauf que, cette fois, c’est Jean-Claude Milner qui s’y colle. Et qu’il n’est pas content. Paraissant un peu après la bagarre, La Destitution du peuple pourrait être ignoré par ceux qui ne sont pas familiers de l’implacable intelligence, de la somptueuse rigueur, de la plume splendide du linguiste français, ancien élève de Jacques Lacan et de Noam Chomsky. Ce serait une erreur. Car au milieu d’une bibliothèque de livres dispensables, Milner offre, avec cet opuscule, une lecture décapante, unifiant le discours des ronds-points avec celui des antivax ou des antipass sanitaire autour d’une question essentielle: celle des droits et des pouvoirs -celle, donc, du lien entre démocratie et forme républicaine (ou, en Belgique, constitutionnelle). Dépliant avec un soin méticuleux les plus importants énoncés ayant circulé autour des Gilets Jaunes et de la pandémie, il y observe à l’oeuvre un détricotage subreptice du système de réciprocité par lequel droits et pouvoirs s’équilibraient, au lieu de prendre le pas les uns sur les autres. Avec la promotion générale de la « liberté », élevée en valeur cardinale de la lutte contre la « police », c’est en effet une reddition sans condition aux forces tisonnant l’insatisfaction de ceux qui ne se sentent pas assez « libres » qui est organisée ici. Il est temps de s’en rendre compte. Brillant et glaçant.
De Jean-Claude Milner, éditions Verdier, 96 pages.
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