La carte et les territoires
Le duo sud-africain Msaki et Tubatsi, associé au Français Clément Petit, distille un album qui sublime la pop. D’une subtilité en voyage perpétuel.
Msaki x Tubatsi ****
Le label No Format! -distribué chez nous par PIAS- est un indépendant fondé à Paris en 2004. Une cinquantaine de références en albums, qui le plus souvent font l’aller-retour entre Afrique et Occident, la France en particulier. Cette connexion s’est mise en tête de tisser des liens -tactiles, charnels, politiques- entre des répertoires mixtes où se télescopent volontiers les instruments classiques -les cordes notamment- et les rythmes du grand sud. Une navigation qui a déjà flatté le talent d’artistes tels qu’Oumou Sangaré, Piers Faccini et Vincent Ségal, Blick Bassy ou Nicolas Repac, davantage fabriqués dans la haute couture que dans le prêt-à-écouter. Le disque de Msaki et Tubatsi prolonge la lignée raffinée et brouilleuse de frontières de No Format!
Économie musicale durable
Le duo de ce premier disque commun est formé de Msaki (Asanda Lusaneni Mvana, de son vrai nom) et de Tubatsi Mpho Moloi, respectivement d’East London et de Soweto, soit une ville côtière de la province du Cap-Oriental et le plus connu des townships sud-africains. Ces deux vocalistes sont ici fondus dans une union à trois, puisque rejoints par le violoncelliste français Clément Petit, habitué des productions No Format! La symbiose prend littéralement en otage émotionnel les neuf morceaux issus d’écorces et parfums divers -soul, gospel, pop- via des rythmes appuyés et des mélodies gracieuses. Leur dessein trouve la mesure idéale entre la générosité naturaliste et une homéopathie sonore sophistiquée: bravo au mixeur. Comme si on pouvait y sentir, avec plaisir, des sentiments éloignés de la présente époque gavée d’effets et de surenchère. Ainsi, Fika, la chanson qui boucle la boucle de ces “cœurs synthétiques”, crée en un peu plus de 6 minutes un ambient sentimental aux prouesses vocales millimétrées.
La qualité du chant de Msaki et Tubatsi enrobe donc complètement l’album dans la tradition des harmonies sud-africaines: elle y conserve tout son jus mais sans aucune volonté spectaculaire. Une sorte de minimalisme “plus”, accordé aux cordes de Petit, dans des compositions rondes et vite familières, d’une contagieuse empathie où la pop est cousine de vapeurs ébène. De cette rencontre naît une économie musicale durable. Que ce soit le très africanisé Zibonakalise, l’élégance primordiale de Khanya ou encore Come In, moment de suspension du temps qui mériterait d’inonder les radios. On peut encore rêver, non? Juste un bémol, visuel: si la pochette de l’album perpétue agréablement la tradition du label -une illustration colorée plutôt qu’une photographie- les notes de pochette nécessitent une loupe de lecture.
Synthetic Hearts
Distribué par PIAS.
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