Pour Jacques Tardi, la transposition par Luc Besson des aventures d’Adèle Blanc-Sec à l’écran est un succès. Le pari n’était pourtant pas gagné d’avance…
Les adaptations de BD au cinéma sont rarement une réussite. Qu’est-ce qui vous a poussé à participer à cette entreprise?
Dès la parution des premiers albums d’Adèle Blanc-Sec, j’ai eu de nombreuses propositions d’adaptation de Marvel ou de studios japonais. J’ai écrit des heures de scénarios qui n’ont finalement jamais été tournés. Quand Luc besson m’a contacté, je lui ai directement dit: on y va! Je connais peu de dessinateurs qui refuseraient ce genre de proposition. J’étais vraiment impatient de voir mes personnages prendre vie, les voir se mouvoir en musique et entendre leur voix…
Si Louise Bourgoin fait une honorable Adèle, la richesse de l’intrigue des 3 albums qui composent le film semble s’estomper au profit de l’action. C’était convenu avec Besson, ce petit côté Indiana Jones?
Hormis quelques échanges avec Luc Besson, je n’ai absolument pas participé au scénario du film. De la même façon que je n’aimerais pas qu’un écrivain se penche sur mon épaule quand j’adapte son texte en BD, j’ai laissé Besson faire son travail dans son coin. Il faut que les choses soient bien claires, il s’agit du film de Luc Besson, pas d’un film de Tardi. Lors d’une de mes rares visites sur le plateau, je me suis juste permis de rappeler à Louise Bourgoin qu’Adèle était un personnage plus méchant que gentil…
Quelles sont les forces et les faiblesses de votre univers porté à l’écran?
Luc Besson a dû faire des aménagements. Le spectateur qui entre dans une salle s’attend à voir une histoire complète avec un début, une fin et une bonne intrigue au milieu. En BD, je fonctionne à la manière des feuilletons. Je peux dessiner plusieurs albums pour raconter une histoire. J’ai une liberté qu’un réalisateur n’a pas. Pour l’anecdote, quand mes enfants étaient plus petits, je leur soumettais une série de titres pour les prochaines aventures d’Adèle Blanc-Sec. Ce n’est qu’une fois qu’ils avaient choisi le titre que je me lançais dans l’écriture de l’album en tenant compte de la contrainte du titre qu’ils avaient désigné. Ce genre de défi est impossible au cinéma. Chez moi, en fonction de mon humeur, un personnage secondaire peut facilement passer au premier plan et prendre une importance qu’il n’avait pas à l’origine. De même, quand j’en ai assez de le dessiner, je le tue… Ce manque de structure a probablement été l’une des grandes difficultés de l’adaptation. Besson a dû ordonner mon foisonnement. Croyez-moi, ce n’est pas rien!
Vous êtes donc plutôt satisfait du résultat final?
Bien entendu! A la fin de la première projection, je me suis même penché vers Luc Besson pour lui demander quand il comptait tourner la suite. Quand quelqu’un vous adapte, il faut avoir l’humilité de lui laisser faire ses choix. Luc Besson connait son métier et les options qu’il a prises pour donner vie à Adèle Blanc-Sec sont sûrement les bonnes. l
Vincent Genot
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