Human after all
Trois ans après le douloureux Magdalene, FKA Twigs recharge les batteries avec Une mixtape jouissive, qui vise la catharsis sur la piste de danse.
Depuis la sortie de son premier album, LP1, Tahliah Barnett n’a cessé de peaufiner un r’n’b dissident, une avant-pop aux audaces stylistiques fascinantes. Quitte à y rajouter une couche de glamour avant-garde, pas toujours très loin de la pose…
Au fil du temps, FKA Twigs a pourtant réussi à nuancer sa démarche. Petit à petit, le vernis s’est fissuré. Au point de sortir aujourd’hui Caprisongs, sans doute son projet le plus direct et le plus « incarné ». Il n’a pas été baptisé « mixtape » pour rien. Sans le poids que représente encore la sortie d’un « véritable » album, FKA Twigs s’offre une véritable récréation. En l’occurrence, la parenthèse a la forme d’une piste de danse. Après avoir enchaîné pas mal de remous, c’est visiblement là que l’Anglaise a trouvé refuge…
Dancing on my own
En 2018, déjà, FKA Twigs s’était permis un écart par rapport à l’univers plastique très léché des débuts. À la faveur d’une pub pour une fameuse enceinte connectée, tournée par Spike Jonze, on la découvrait en Audrey Hepburn-next-door, tirée du métro-boulot-dodo par une chorégraphie énergisante… La performance était d’autant plus spectaculaire que FKA Twigs n’était pas au mieux de sa forme: une semaine avant le tournage, elle se retrouvait sur la table d’opération pour se faire retirer plusieurs fibromes aux ovaires. L’épisode laissera des traces. Un an plus tard, l’album Magdalene sera marqué par la douleur, à la fois physique, mais aussi amoureuse -sa rupture avec Shia LaBeouf, la chanteuse accusant l’acteur de violences conjugales.
De cette période compliquée, FKA Twigs sortira notamment grâce à la danse, sa première obsession. C’était troublant sur la vidéo de Cellophane, éloge triomphal à la fragilité. Avec Caprisongs, le geste se fait plus léger et direct. FKA Twigs est toujours paumée, mais elle a décidé d’en faire une force. Voire une farce – » Da-da-di-da-do-do-do, I don’t know which way to go« , s’amuse-t-elle sur Which Way. Loin des abstractions, elle livre ainsi quelques-uns de ses morceaux les plus « radiophoniques », Careless notamment, s’amusant même à reprendre une ligne du one-hit wonder You’re Not Alone d’Olive ( Darjeeling).
Au passage, Caprisongs fait aussi un joyeux pied-de-nez à l’époque. Alors que les clubs ont à peine vu la lumière des boules à facettes depuis près de deux ans, FKA Twigs en fait le point central de son disque ( Tears in the Club, avec The Weeknd), puisant aussi bien dans le dancehall ( Papi Bones) que dans l’hyperpop ( Pamplemousse). De la même manière, tandis que les confinements multiples ont distendu les interactions sociales, Caprisongs sonne comme un grand ouvrage collectif. Que ce soit à travers les nombreux invités (de Jorja Smith à Pa Salieu) ou les interludes, laissant la voix à des proches. L’exercice de la mixtape permet ainsi à FKA Twigs de lâcher prise. La chanteuse baisse la garde mais pas ses exigences. La pop proposée ici n’est en effet jamais banale ou ordinaire. Elle permet juste à la chanteuse de montrer une nouvelle facette, plus désinvolte.
FKA Twigs
« Caprisongs »
Distribué par Warner.
7
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