Heroic fantasy

Après avoir revisité Daniel Darc, le Libertine Peter Doherty sort avec Frédéric Lo un album inspiré par Maurice Leblanc et Arsène Lupin.

En 2004, le chanteur de Taxi Girl, l’écorché Daniel Darc, revenait sur le devant de la scène avec Crèvecoeur. Un disque unique, déchirant, composé, joué et réalisé par le producteur Frédéric Lo (Stephan Eicher, Marc Lavoine, Josh T. Pearson…). Une quinzaine d’années plus tard, alors que le génial Darc a cassé sa pipe, Lo planche sur un disque hommage à son ami et compagnon d’infortune. Il veut embarquer dans l’aventure le cabossé Peter Doherty. Lo a déjà croisé le chanteur des Libertines en studio avec Stephen Street (producteur des Smiths et de Blur) en plein enregistrement des Babyshambles. En juillet 2020, il part lui rendre visite chez lui, en Normandie, sa guitare sous le bras.

 » L’affreuse angoisse m’emprisonne. Combien de temps jusqu’à la mort? Je sens la tragédie qui sonne. Comme une odeur nauséabonde. Faudrait-il donc que j’abandonne? Vaudrait-il mieux compter les secondes? » Le Français fait écouter à l’Anglais Inutile et hors d’usage devenu Without Use and All Used Up grâce à la plume de Bill Pritchard. Doherty se retrouve dans le texte à fleur de peau. C’est l’histoire de sa vie à lui, champion des excès et roi de la défonce. Les deux hommes se retrouvent pour l’enregistrer une semaine plus tard. Sympathisent autour de la musique, de la littérature et du champagne. Et décident d’approfondir la collaboration, de se donner rendez-vous dans une maison avec un joli nom, Cateuil, et d’y travailler sur des chansons.

Ancrage local

Deux mois de travail quotidien. Des huîtres, des cigares, du rhum, des verres de vin. Des fous rires et quelques larmes aussi. The Fantasy Life of Poetry & Crime est le fruit de cette union. L’album est inspiré par le romancier Maurice Leblanc et son personnage le plus célèbre, le gentleman cambrioleur Arsène Lupin. Doherty vit depuis quelques années à Étretat, où se trouve l’une des dernières demeures de l’écrivain. Leblanc y rédigea d’ailleurs 19 de ses romans, dont L’Aiguille creuse, et 39 nouvelles avant de migrer à Perpignan pour fuir l’occupation allemande.

Également marqué par le confinement et une sobriété toute relative (Doherty a arrêté l’héroïne) quand on connaît l’oiseau (plutôt de nuit), la vie fantastique de la poésie et du crime est un album qui ne manque pas de charme. Car si le chant dévisse parfois grave (sur Rock & Roll Alchemy par exemple), il y a une sincérité palpable dans cette voix brinquebalante et ces jolis arrangements. Comme un écho au Crèvecoeur de Darc, au disque quelque part aussi de Mike Patton avec Jean-Claude Vannier. Sur scène, le tandem s’entourera de membres de Babyshambles et des Puta Madres. Carl Barât est, pour info, en studio avec Jamie T. et les Libertines joueront le 21 octobre au Cirque royal.