He, she, they
Depuis longtemps, le rock défie les conventions de genre. Plusieurs artistes aujourd’hui, à l’instar de Kae Tempest, s’affirment non-binaires. Quelques exemples de cette histoire musicale du il, du elle et du iel.
Au coeur des fifties américaines ségrégationnistes, Little Richard (1932-2020) se libère: maquillage extravagant, préciosité, coiffure en plantureuse pompadour . Le génial pionnier rock’n’roll, chassé par son père du domicile familial parce qu’homosexuel, explose dans sa vie publique les codes du masculin et du féminin. Il en influencera plus d’un, notamment la comète du disco Sylvester (1947-1988), mais aussi tout le glam: David Bowie, Boy George ou Marc Bolan.
À la fin des années 70, l’Américain Wayne County, figure reconnue sur la scène punk new-yorkaise devient Jayne de la fin seventies. Mais il faut attendre les années 2000 pour parler ouvertement de transgenre et de ce sentiment fort pour certains artistes d’habiter le mauvais corps. » J’étais un ado transgenre, je portais un maximum de maquillage et me suis reconnu en Boy George ou Marc Almond, parce qu’ils appartenaient à un autre monde. Lorsque l’on naît transgenre, on s’en rend compte d’emblée. On est à la marge, y compris avec sa famille. » Fin 2008, celui qui se nomme encore Antony Hegarty, rencontré à l’époque dans un café bruxellois, n’annonce pas encore que dans le privé, le he est déjà devenu le she. Avec ses Johnsons, l’Anglais de naissance expatrié à New York a déjà proposé deux albums d’envergure dont I Am a Bird Now, Mercury Prize 2005. Début 2015, Antony s’affirme femme et se nomme Anohni.
La parole se libère depuis plusieurs années et apparaît le terme de non-binarité, signifiant le refus par la personne des genres normatifs, masculin ou féminin. S’identifiant à la fois comme trans et comme non-binaire, Kae Tempest fait partie de cette génération-là. Comme Miley Cyrus, Sam Smith, le/la très glam Arca ou encore Demi Lovato. Des affirmations et des transitions qui ne se font pas sans heurts. Quand Chris(tine and the Queens), qui a déjà annoncé sa non-binarité, change de prénom, au grand dam de la maison de disques, des voix s’élèvent contre le choix de Rahim. L’un des neuf prénoms d’Allah, lui reprochera-t-on . Chris twittera en marche arrière, se faisant un moment nommé « . ». Point.
Dans cette histoire de quêtes d’identité et d’oppositions à l’assignation genrée, le parcours de Genesis P-Orridge (1950-2020) apparaît comme un exemple singulier. Née Neil Andrew Megson, l’Anglaise décède à New York en 2020, après des années de transition. Au tournant des années 2000, elle entreprend avec sa compagne Lady Jaye (née Jacqueline Breyer), The Pandrogeny Project, soit une quinzaine d’années de chirurgie esthétique intense et de traitements hormonaux, dont l’objectif consiste à se ressembler mutuellement le plus possible. Et de devenir une seule entité « pandrogyne », Breyer P-Orridge.
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