Forever Bob
Un coffret revient sur l’album Time Out of Mind paru en 1997. Prises live, remixes et poignée d’inédits sonnent comme du Dylan intemporel.
Coffret de cinq CD ou dix vinyles -également disponible en version de deux et quatre albums-, l’objet est présenté comme le 17e et ultime bootleg officiel du misanthrope aux 600 chansons. Cette série précieuse a débuté en 1991, le titre faisant référence à ce qui fut le premier et plus fameux album “pirate” de l’ère rock, Great White Wonder, sorti à l’été 1969. Composé d’inédits publiés sans accord ni deal avec le label de Dylan, le bootleg a contribué à forger le mythe zimmermanien. L’actuel box revient donc à Time Out of Mind, qui proposait en 1997 onze compositions épanouies, agréablement marécageuses en eaux blues -surtout-, sans négliger le rock, le folk ou le country génétiques du maestro. Le premier disque du coffret offre de nouvelles versions de Time… qui dissolvent l’appareillage sonore du producteur Daniel Lanois, que Dylan a considéré superfétatoire: une douzaine de musiciens, dont trois batteurs et deux pedal steel… Plus les effets ajoutés par la suite. Ici, les versions sont plus boisées, sensitives, mettant la voix de Dylan au centre d’un jeu naturaliste qui évoque Charley Patton ou Little Walter. Orgue Hammond, guitares électriques et batterie métronomique appuient la trempe musicale. On a l’agréable impression qu’il y a un Bob dans la pièce, croassant de mots agiles, notamment via le classique instantané Make You Feel My Love et la dilatation du temps, qui nous porte jusqu’aux hypnotiques 16 minutes 31 secondes du morceau final, Highlands.
Morsures
Si ce lifting 2023 de Time… est précieux, c’est aussi par l’ensemble du contenu du coffret, frissonnant au fil des 60 titres. Au rayon des inédits, on retrouve la reprise du traditionnel The Water Is Wide, folk écossais daté du début du XXe siècle et trois compositions originales: l’agréablement lent Red River Shore, tortillard quasi sentimental, un plutôt moyen Dreamin’ of You et le meilleur ‘Til I Fell in Love with You, bercé de drums volontaires et d’un orgue que n’aurait pas renié le Dylan born again. Le reste? De nombreuses prises “alternatives” de titres déjà cités -ou pas- et, plus intéressantes à investiguer, les versions live de douze chansons bouclées entre 1998 et 2001. Hormis un splendide Make You Feel My Love enregistré à Los Angeles, les autres étaient jusqu’ici inédits. Ils donnent la température de Bob autour de la soixantaine. La voix est moins éraillée que l’actuelle et le groupe -avec entre autres le bassiste Tony Garnier et le guitariste Charlie Sexton- possiblement son meilleur depuis le band des sixties. Il donne aux textes de tout aussi acides morsures musicales à l’électricité contagieuse, à l’instar du cinglant Can’t Wait enregistré à Oslo en 2000.
Bob Dylan
“Fragments – Time Out of Mind Sessions (1996-1997): The Bootleg Series Vol. 17”
Distribué par Sony Music.
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