Fleur de lait ****1/2
Miguel Vila confirme avec Fleur de lait son statut d’observateur des mécanismes relationnels. Il avait fourbi ses armes dans Padovaland, où il décrivait les artifices derrière lesquels les adolescents boutonneux se cachent pour tenter d’apparaître sous un meilleur jour aux yeux de leurs pairs. Il rétrécit ici son champ d’étude à trois personnages principaux, tout en s’enfonçant plus profondément et plus crûment dans son propos. Stella, jeune étudiante, trouve un boulot de baby-sitter auprès de Ludovica, mère célibataire vivant dans un quartier pourri de la ville. La poitrine démesurée de Ludovica devient l’objet de tous les fantasmes de Marco, le petit ami de Stella. Miguel Vila sait y faire. En petites saynètes, il nous fait comprendre, sans explications superflues, les relations pas très saines qui lient les personnages secondaires au trio de base: qui domine qui, qui est jaloux, qui est “in”, qui est “out”. L’auteur italien détruit en deux coups de cuillère à pot l’image glamour de la jeunesse de son pays. Il nous rappelle par-là qu’être adolescent, d’où que l’on vienne, implique des mutations et des envies sexuelles pas toujours assumées. Pour ce faire, il alterne les cases micro et macro, passant pour les premières d’un dessin stylisé à hyperréaliste pour les secondes. C’est dans cette partie qu’il frappe à nouveau très fort. Vila ne nous épargne rien des défauts physiques de chacun. Chaque partie du corps qui pourrait avoir une quelconque portée érotique est réduite à sa triste réalité. Bourrelets dus à l’ingestion de trop grandes quantités de malbouffe, vergetures post-partum, veines saillantes… Cet étalage de chair, combiné à la misère sociale, sexuelle et morale, contribue à une puissante et peu reluisante photographie -d’un certain aspect- des relations humaines.
de Miguel Vila, éditions Presque Lune, 178 pages.
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