Feux de Croisette

Retour sur l’édition 2021 du festival de Cannes dont trois films primés, Annette, Julie et Titane, font aujourd’hui l’objet d’une sortie en DVD.

Le 75e festival de Cannes, c’est dans six semaines à peine. En attendant quoi, l’actualité DVD invite à se replonger dans l’édition 2021 de la manifestation avec la sortie parallèle de trois films primés par le jury que présidait Spike Lee. Prix de la mise en scène, Annette consacrait la rencontre entre le génie tourmenté de Leos Carax et la fantaisie pop des Sparks, le temps d’un musical électrisant. L’histoire de Henry McHenry (Adam Driver), un comédien de stand-up, et de Ann Defrasnoux (Marion Cotillard), une chanteuse lyrique, couple glamour dont la relation prend un tour nouveau avec la naissance d’Annette, une fillette étrange qui aura le don d’exacerber leurs différences, jusqu’à devoir affronter une mer déchaînée. La sève d’un opéra pop flamboyant, s’ouvrant en mode enchanté pour mieux s’enfoncer dans la noirceur d’un propos embrassant les gouffres intimes comme les dérives de l’époque par la grâce d’une réalisation qui multiplie les audaces et les fulgurances. Pour un résultat tout simplement étincelant.

L’air du temps

Avec Julie (en 12 chapitres), le cinéaste norvégien Joachim Trier offrait pour sa part comme le contrepoint lumineux à Oslo, 31 août, le film qui le révélait il y a dix ans. L’histoire de Julie, la trentaine à la croisée des chemins sentimentaux et professionnels, dont le film va tracer le portrait en douze tableaux alors qu’elle balance entre Aksel (Anders Danielsen Lie), un auteur de comics, et Eivind (Herbert Nordrum), un serveur dans un café. Qu’est-ce qui fait qu’un film est touché par la grâce? Sa mise en scène, qui s’autorise, par exemple, à littéralement suspendre le temps et les personnages secondaires pour mieux laisser les amoureux seuls au monde. Ou une interprète, que l’on jurerait en lévitation. Sans oublier une capacité à traduire l’air du temps, toutes qualités que l’on prête bien volontiers à Julie (en 12 chapitres), film irradiant du charme de Renate Reinsve, prix d’interprétation incontestable, pour entraîner le spectateur dans une ronde irrésistible, effet enivrant garanti.

Bien que de styles fort différents, tant Annette que Julie (ou encore Drive My Car, de Ryusuke Hamaguchi) faisaient des candidats crédibles à la Palme d’or. Que cette dernière soit allée à Titane demeure un mystère qu’une deuxième vision ne suffit pas à élucider, même si le film de Julia Ducournau cochait objectivement quelques cases. Opportunisme, provocation facile ou mauvaise plaisanterie, pas sûr en tout cas que le cinéma soit sorti gagnant de l’histoire…