Faire mouche

Après avoir effectué une longue route, un véhicule arrive de nuit à Saint-Fourneau, un trou perdu, isolé et anonyme comme il en existe dans les fins fonds de la France. On se gare devant une maison inoccupée: on entre, ça sent le renfermé, il y a du vieux papier peint fleuri sur les murs des chambres, on fait les lits pour passer la nuit. L’histoire est celle d’un retour au pays: la cousine du narrateur se marie, et ce dernier est par exception descendu de Paris pour assister à la cérémonie avec celle qu’il présente comme sa compagne. Très vite pourtant, un certain nombre de détails étonnent. Il sera question de faire chambre à part, d’une baignade dans un lac en l’absence de maillot de bain, d’un oncle et d’une mère, d’un lapin qui passe à la casserole, d’une pharmacie de garde, d’une cueillette de champignons, d’un portable qui ne capte pas, et -comme l’annonce le titre- de mouches… Après Ma chère Lise et Un été, deux admirables petits romans où il était question de triangles amoureux, de manipulation et de désir contrarié, Vincent Almendros revient avec un drame provincial qui évoque beaucoup le cinéma de Claude Chabrol. Tromperies amoureuses, secrets de famille, scènes de table: Faire mouche est un genre de roman noir extrêmement resserré qui joue à la rétention et au filtrage des informations. Construit sur un déni central, le récit est une vaine tentative d’enfouissement, de laquelle remontent peu à peu à la surface indices et preuves sémantiques confondantes -l’usage des mots, et leurs ambiguïtés. C’est que, sous son apparente clarté, le livre travaille beaucoup ses effets: en moins de 150 pages impeccablement conduites, Almendros nous glisse dans une entreprise chère à la tradition des éditions de Minuit: l’écriture d’une énigme autant que l’énigme d’une écriture.

de Vincent Almendros, éditions de Minuit, 128 pages.

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