LA TENDANCE DE LA BD CULINAIRE FAIT FLORÈS: LA JEUNE MAISON D’ÉDITION FRANÇAISE RUE DE SÈVRES SORT UN MANIFESTE DU BIEN MANGER.
Frères de terroirs
DE JACQUES FERRANDEZ ET YVES CAMDEBORDE, ÉDITIONS RUE DE SÈVRES, 120 PAGES.
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Max, qui n’est pas coiffeur pour hommes mais bien restaurateur à Bruxelles, recevait récemment deux fins gourmets dans son établissement. L’un, Jacques Ferrandez, dessinateur de bande dessinée de son état, travaille dans le métier depuis plus de 30 ans. Il est bien connu pour la chronique qu’il a faite de la colonisation française en Algérie. L’autre, Yves Camdeborde, est un chef qui, après être passé par les cuisines des plus grands restaurants de l’Hexagone, a décidé dans les années 90 de tourner le dos au cérémonial qui entoure la gastronomie française afin de revenir à l’essentiel: faire partager une cuisine de qualité à des gens moins fortunés. La bistronomie était née! Engagés l’un comme l’autre dans des domaines différents, ils se passionnent tous deux pour des récits de vies. Frères de terroirs, fruit de leur collaboration, raconte sous forme de carnet la rencontre avec les gens qui sont à la base de ce que nous devrions retrouver de meilleur dans nos assiettes.
Après un passage remarqué à l’émission MasterChef, Yves Camdeborde a fait ce constat: « J’ai été frappé par les candidats, qui voulaient pour la plupart paraître avant d’être. Cette attitude est exacerbée par la télévision. Après trois ans, j’ai décidé d’arrêter. Je voulais toucher d’autres gens et d’une autre manière. La bande dessinée est apparue comme l’un des moyens de le faire. » Et Jacques Ferrandez d’ajouter: »La BD permet de montrer exactement ce que l’on veut, sans censure, en toute liberté. »
Produire moins pour manger mieux
Du respect, il en est aussi question dans Frères de terroirs. Le chef, intarissable, poursuit: »Je voulais montrer que la cuisine de qualité que je propose est le fruit de la collaboration de gens passionnés en cuisine mais surtout des exploitants qui se sont détournés de la production industrielle pour revenir à une forme d’artisanat moderne. » Pour Ferrandez: « La démarche est pareille à ce que j’ai toujours fait dans mon travail, que ce soit sous forme de BD ou de carnets de croquis: raconter des destins individuels de gens engagés qui se battent pour un idéal. »
Les deux hommes ne se connaissaient pas avant ce projet, mais auraient pourtant pu se croiser sur les chemins dérobés qui mènent à ces petits producteurs discrets constellant la France. « Attention, prévient le chef gouailleur, n’espérez pas pouvoir leur acheter une bouteille, une livre de beurre ou un homard. S’ils se sont tournés vers l’alternatif, l’agriculteur, le pêcheur ou l’éleveur réservent généralement leur petite production pour les restaurateurs. » Il ne vous reste donc plus qu’à déguster leur BD chez le « bistronome » du coin…
COLIN BOUCHAT
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