Désillusions du pouvoir

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La série d’Adam Price, s’empare avec toujours autant d’aplomb et de subtilité de la place des femmes en politique. la saison la plus sombre de toutes.

Dans l’univers de Borgen, malgré un ordre globalement patriarcal des choses, la présence de femmes aux postes clés du pouvoir n’est plus une anomalie. Fini de se demander si leur place ne serait pas davantage à soigner famille et mari. Au niveau ancillaire, l’ex-Première ministre Birgit Nyborg (formidable Sidse Babett Knudsen) a déjà donné: divorcée, ses enfants devenus adultes, elle peut s’investir pleinement dans sa carrière (“ Pas d’enfants à la maison, pas de mari négligé. C’est sympa d’être une femme seule”). Ce coup-ci, les déconvenues naîtront de situations politiques aux enjeux sinistrement complexes. Dix années après son mandat pionnier, toujours à la tête du Parti des Nouveaux Démocrates, Nyborg est ministre des Affaires étrangères d’une coalition menée par la Première ministre travailliste Signe Kragh. Katrine Fønsmark, son ancienne directrice de campagne, revient au journalisme, à la tête d’une chaîne d’info.

Grands fauves

La découverte d’un gisement de pétrole au Groenland, territoire hybride inféodé au Danemark, jette la ministre dans un shitstorm de politique intérieure et extérieure. La compagnie détentrice de la concession, canadienne, a comme actionnaire majoritaire un oligarque russe menacé de sanctions. Pour les habitants du Groenland, le gisement constituerait un pas de plus vers l’autonomie. Pour le gouvernement, une source financière providentielle. Mais pour son propre parti, attaché à la protection de l’environnement, c’est une fin de non recevoir. Nyborg devra manœuvrer dans un marigot hostile, renoncer à l’idéalisme au profit d’un réalisme politique froid et cynique, celui des grands fauves. Alors que son envoyé sur place, le très technique Asger Holm Kirkegaard, est vite aux prises avec une réalité cruelle bien loin de celle perçue par la capitale.

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La réalisation est solide, jamais radine, et souligne tout autant les dialogues ciselés que les silences éloquents, les traits des visages marqués par la fatigue, l’âge, la résignation, le calcul. Fidèle à son scénario, Adam Price déploie un rythme permettant de traverser un récit choral qui soulève le cœur: celui du renoncement politique, des dévastations du pouvoir sur les femmes et les peuples colonisés, les batailles de la communication et de l’information. Moins incisive que sa première incarnation, cette quatrième saison de Borgen est sa plus trouble, perturbante et indécise. Pour cette même raison, elle est incontestablement en phase avec son époque.

Borgen: le pouvoir et la gloire

Une série créée par Adam Price. Avec Sidse Babett Knudsen, Birgitte Hjort Sørensen, Mikkel Boe Følsgaard. disponible sur Netflix.

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