POUR SON TROISIÈME LONG MÉTRAGE, MAÏWENN LE BESCO INVESTIT UNE BRIGADE DE PROTECTION DES MINEURS. UN FILM POSANT BEAUCOUP DE QUESTIONS, RESTÉES SANS RÉPONSES AU TERME D’UNE NON-RENCONTRE…

C’est la loi, si pas du genre, en tout cas des grands festivals: l’entretien en tête-à-tête y constitue l’exception, les journalistes internationaux (la presse nationale bénéficie d’un traitement de faveur) se voyant le plus souvent rassemblés en groupes d’importance variable, où l’anglais tient lieu de sabir commun. Un exercice qui peut prendre un tour cocasse, ou surréaliste, lorsque l’interlocuteur ne parle pas la langue de Shakespeare, laissant à un(e) interprète le soin de faire l’interface et de traduire le fond de sa pensée. Ainsi, dans le cas qui nous occupe, de Maïwenn Le Besco, rencontrée au surlendemain de la projection de Polisse en compétition cannoise, un film accueilli à traits dithyrambiques par la presse hexagonale, le reste du monde se montrant pour sa part sensiblement plus réservé -euphémisme.

Ceci expliquant peut-être cela, la réalisatrice aborde l’exercice de l’entretien avec autant d’enthousiasme qu’un esquimau à qui l’on tenterait de fourguer des camions entiers de chocolats glacés. Ajoutez-y une interprète n’ayant pas vu le film, et semblant par surcroît trahie par son ouïe -du moins est-ce là ce que l’on feindra de croire-, et il ne faut pas longtemps pour deviner que l’interview sera un long chemin de croix. Postulat vérifié d’entrée lorsque, face à la question d’un confrère, miss Le Besco ne cherche même pas à dissimuler son exaspération – « Ah, il n’a pas lu le dossier de presse », souffle-t-elle à son interprète, qui abonde dans son sens, d’un air entendu. C’est peu dire, en effet, qu’entre les 2 côtés de la table, la communication est brouillée; la question suivante nécessite 4 répétitions, pour une demi-réponse, le journaliste renonçant, de guère lasse, à savoir ce qui avait conduit l’auteur(e) à traiter autant des relations entre les membres de la Brigade de la protection des mineurs (BPM) que du travail de la Brigade elle-même. Quant à celui qui s’aventurera à interroger Miss Le Besco sur son sentiment quant au dit travail, le film se terminant sur un suicide, il se verra, après un nouvel aparté entre la cinéaste et son interprète – « Je ne comprends pas ce qu’il me veut »-, balancer sans ménagement dans les cordes: « Votre question, elle est bizarre. Elle n’est pas à sa place. Je n’ai pas à vous répondre.  »

L’art de l’esquive

Soit. Entre 2 cabrages et autant d’esquives, on aura appris que l’inspiration de Polisse est venue de la vision d’un documentaire télévisé, et du désir subséquent de la cinéaste d’effectuer un stage au sein de la BPM. « Toutes les affaires que l’on voit dans le film sont de vraies affaires », martèle Maïwenn Le Besco, ajoutant avoir visé l’exhaustivité: « Je voulais que l’on se fasse vraiment une idée de la BPM. S’il n’y avait eu qu’une affaire, cela devenait une intrigue policière, qui n’aurait reflété en rien la Brigade.  » L’évidente alchimie entre ses acteurs? Un stage d’une semaine au sein de la Brigade. Le travail avec les enfants? « C’était assez proche de ce que je faisais avec les comédiens.  » Les dialogues, pas piqués des hannetons? « Ils sont tous écrits. Après, s’ils ne les connaissent pas tout à fait par c£ur, ce n’est pas très grave.  » Le regard sur les policiers? « Je ne les montre ni sous leur jour le meilleur, ni sous le pire, je les montre tels que je les ai vus…  » Etc, etc.

Curieusement, c’est au détour d’une question en apparence anodine que la cinéaste finira par baisser sa garde. Interrogée sur le sentiment que lui procure le fait de se retrouver à Cannes, en compétition, Maïwenn laisse parler son émotion en effet. « C’était inespéré, miraculeux. Cannes, c’est vraiment une énorme reconnaissance sur son travail. Ça m’a donné énormément confiance en moi. J’ai un gros complexe, du fait que je n’ai pas fait d’études, j’ai arrêté l’école à 12 ans. J’ai toujours eu la sensation de traîner derrière mes mots, et derrière une organisation mentale, ça me pourrit la vie. Cannes, quelque part, m’a dit que j’arrivais à m’exprimer, peut-être pas avec les mots, mais avec les images. Et c’est très encourageant pour moi.  » Pour le coup, on aurait bien aimé en savoir plus. Mais voilà, l’entretien était arrivé à son terme, 23’58 » après n’avoir pas vraiment commencé…

TEXTE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À CANNES

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