Titre - La Petite bande
Genre - Film d'aventure
Réalisateur-trice - Pierre Salvadori
Casting - Paul Belhoste, Laurent Capelluto
Sortie - En salles
Durée - 1h48
Critique - Jean-François Pluijgers
Pierre Salvadori investit le terrain du film d’aventure familial avec aplomb et fantaisie dans La Petite bande, une comédie rocambolesque portée par un esprit frondeur.
On n’imaginait pas vraiment Pierre Salvadori, auteur de En liberté!,Dans la cour ou autre Comme elle respire, se frotter au film d’aventures familial. C’est pourtant aujourd’hui chose faite avec La Petite Bande, réjouissante comédie mettant en scène de très jeunes pieds nickelés corses qui, animés par la foi de leurs 12 ans et portés par l’esprit de groupe, vont s’engager dans une entreprise audacieuse: mettre fin de la manière la plus radicale qui soit aux agissements de l’usine polluant la rivière de leur village. “Je ne pensais pas du tout, au départ, écrire un film pour enfants, raconte le cinéaste, de passage à Bruxelles à l’occasion du Cinémamed. On était sur un autre film avec le scénariste Benoît Graffin, l’histoire d’un formateur travaillant en France, et visitant pas mal de villes, avec un côté répétitif, et je trouvais ça un peu risqué. Et j’ai eu un jour l’idée d’inventer l’histoire de deux, trois mecs qui se constituent en bande, et qui décident de faire péter une usine, tout en étant un peu nuls.”
Des individus sympathiques mais maladroits, limite bras cassés, Salvadori avait déjà donné -c’était notamment la matrice des Apprentis, son deuxième long métrage, au mitan des années 90. Pour autant, l’idée ne cesse de le travailler, jusqu’au jour où il décide de l’appliquer à des enfants: “Je me suis dit que ce serait très intéressant si, tout à coup, on avait des gosses confrontés à quelque chose qui les dépasse un peu, et surtout qui vont devoir vivre et se battre ensemble, apprendre à voter, à prendre des décisions. En réfléchissant au sujet, on s’est dit que ce serait fort si on n’en faisait pas un récit édifiant, mais plus un apprentissage du passage de l’enfance à l’âge adulte. Et une vraie aventure, au sens où ils ne savent pas trop vers où ça va, avec de l’inattendu et pas mal de peur.”
La petite bande, ou le territoire accidenté de l’enfance
Et pour cause: bien qu’échafaudé avec le plus grand soin, leur plan va inévitablement partir en sucette, les événements prenant un tour aussi rocambolesque qu’incontrôlable, tandis que le film déborde allègrement de ses enjeux anarcho-écologiques. “Ce qui était important pour moi, c’était la question de l’engagement, poursuit Salvadori. Voir des enfants qui ne sont pas tous copains, et qui vont apprendre à vivre ensemble, se laisser rattraper par des idées, des émotions, des sentiments, et vivre une expérience collective forte. Faire un film édifiant sur l’écologie ne m’intéressait pas, même si j’avais envie qu’il y ait une dimension un peu esthétique, presque philosophique, autour du rapport à la nature. À un moment, un des gosses explique que quand il regarde l’eau, il ne comprend pas d’où elle vient, et qu’il accepte cette part de magie qu’il y a dans l’existence, et que ça le libère de plein d’autres questions. Cette dimension m’intéressait beaucoup plus que le combat en lui-même qui est assez évident: qu’est-ce qu’il y a à dire, si ce n’est qu’il faut faire attention et protéger l’environnement? Je n’ai pas de discours sur ce sujet, je me méfie beaucoup des films qui donnent des leçons.”
À quoi il a toujours préféré la fantaisie, indissociable de son cinéma, En liberté!, le titre de son précédent opus, ayant, pour ainsi dire, valeur programmatique. “C’est parce que ça m’enchante, apprécie-t-il. C’est dur à faire, mais quand ça fonctionne, on peut aller très loin. ça requiert beaucoup de rigueur, paradoxalement, mais ça permet vraiment d’emmener le spectateur en douceur sur un territoire de fantaisie, d’humour, de drôlerie ou d’émotion.” La Petite Bande en apporte une lumineuse démonstration, le récit d’aventures débridé s’y doublant d’une exploration sans détour du terrain accidenté de l’enfance, dont le film embrasse les diverses dimensions, le décalage à l’appui. “Je ne voulais pas d’un film doucereux, mais âpre. L’enfance est un territoire peuplé de conflits, de peur, d’anxiété, de solitude. Avec Benoît Graffin, nous avons parlé de nos expériences d’enfant, lui qui était un fugueur, partait et prenait des trains, très jeune, pour fuir sa famille, et moi, qui avais des rapports parfois conflictuels avec les adultes et les autres enfants. On avait envie de raconter ça, la puissance de la nature, et le sentiment de solitude que j’ai beaucoup éprouvé. Mais aussi les trouvailles, l’inventivité. Et la joie, quand tout à coup, il y a l’amitié, la bande en tout cas et le collectif, avec ce que ça peut avoir de rassurant.” Soit la matrice d’un récit d’apprentissage charriant des émotions variées -ce n’est bien sûr pas pour rien si Pierre Salvadori cite au rang de ses inspirations Stand by Me de Rob Reiner, la référence quand il s’agit de traiter du passage de l’enfance à l’adolescence au cinéma…
La Petite Bande
Ils sont quatre -et bientôt cinq, histoire de départager les votes à égalité- à composer la petite bande: Cat, Fouad, Antoine et Sami, rejoints par Aimé, le souffre-douleur de l’école. Des jeunes ados de 12 ans qui se lancent un jour dans une action d’éclat: aller brûler l’usine qui pollue leur rivière corse. L’aventure, où chacun s’est aussi engagé avec des motivations plus intimes, ne va toutefois pas tarder à les dépasser pour prendre un tour rocambolesque… Investissant le champ du film familial, Pierre Salvadori imprime sa fantaisie coutumière aux aventures de sa Petite Bande, qu’il filme prendre le maquis avec une jubilation communicative. Pour livrer une comédie réjouissante, un récit d’apprentissage brassant des enjeux multiples à l’ombre bienveillante de Stand by Me.
De Pierre Salvadori. Avec Paul Belhoste, Colombe Schmidt, Laurent Capelluto. 1 h 48. Sortie: 22/02. 7Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici