Crash test
Charli XCX fait mine de gommer ses côtés les plus excentriques pour proposer son album le plus accessible et mainstream. Y a débat…
Au printemps 2020, Charli XCX sortait How I’m Feeling Now. Confectionné en confinement, il arrivait six mois à peine après Charli, troisième album coupé dans son élan par le Covid. La jeune Anglaise n’a évidemment pas été la seule à investir le temps « libéré » par la pandémie, loin de là. Mais elle est sans doute l’une des rares à avoir réussi à capter le moment, quasi en direct, avec un disque évoquant l’ennui, l’isolement et les frustrations qui s’accumulent. Sur Anthems, par exemple, elle se languissait des soirées, anticipant déjà les nuits sans fin, à danser et chanter – » I want anthems/Late nights » .
Chose promise, chose due. Alors qu’un peu partout, le virus a diminué d’intensité, Charli XCX revient avec Crash, bourré de hits en puissance, ouvrage pop conquérant et calibré pour triompher dans les charts. Les premiers singles ont donné le ton. De la dance synthétique de Good Ones à New Shapes, où, accompagnée de ses potes Christine & The Queens et Caroline Polachek, Charli XCX célèbre l’héritage « new jack » de Janet Jackson…
Cet amour de la pop, Charli XCX l’a toujours revendiqué, haut et fort. Rarement aura-t-elle cependant embrassé le format de manière aussi franche et directe, loin de ses expérimentations habituelles. Si la jeune Anglaise s’est fait un nom, c’est en effet en débordant du cadre, jouant avec les règles du genre, et apportant au passage sa contribution au mouvement iconoclaste de l’hyperpop. Pour cela, il a fallu parfois batailler. Ces derniers temps, Charlotte Aitchison de son vrai nom avait d’ailleurs de plus en plus de mal à cacher son agacement face aux impératifs de l’industrie. » What you want/I ain’t got it« , chante-elle encore sur New Shapes.
La voir embrasser des morceaux désormais plus « formatés » peut donc surprendre. On pourra l’interpréter comme une pirouette passive-agressive: pour son dernier album sur la major Warner, Charli XCX fait mine de rentrer dans le rang (avant de prendre la tangente, enfin libre), vendant son âme au diable, pour viser le carton commercial. The ideal crash, en quelque sorte, percutée par la Machine, le visage en sang (tiens, comme sur la pochette du blockbuster After Hours de The Weeknd), mais le regard lucide, fixant crânement l’objectif. Sur Beg for You, avec Rina Sawayama, elle « copycat »Lady Gaga, calquant au passage le tube eurodance Cry for You, de la Suédoise September (et samplant les Belges de Milk Inc.). Plus loin, avec Used to Know Me, elle pousse encore le bouchon en proposant une relecture du classique dance, Show Me Love de Robyn. Comme un hommage, ou une boutade? Allez savoir. La star semait elle-même le doute sur ses intentions, expliquant sur Twitter: » Imaginez: et si cet album et toute la campagne qui l’entoure n’étaient qu’un commentaire sur la manière dont le système des majors fonctionne et sur la nature sadique de la pop music? » , avant d’enchaîner plus loin: » Ou alors j’aime simplement la pop et je veux devenir super célèbre? » That’s the question… Dans les deux cas, Crash pétarade, malgré (ou grâce à?) ses ambiguïtés…
Charli XCX
« Crash »
Distribué par Warner. Le 27/05 à la Madeleine (Bruxelles).
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