LA RENTRÉE MUSICALE PRENDRA DES COULEURS AURIVERDE, AVEC NOTAMMENT L’ÉVÉNEMENT EUROPALIA. LE BRÉSIL, REMÈDE ANTICRISE DE L’AUTOMNE PROCHAIN? C’EST SEU JORGE, ACTEUR-CHANTEUR QUI REPREND AUSSI BIEN KRAFTWERK QUE JORGE BEN, QUI LE DIT.

La Coupe du monde n’y débarquera qu’en 2014. Et c’est bien Londres qui accueillera l’an prochain les Jeux olympiques, avant de voir débouler ceux de Rio en 2016. N’empêche: il ne faudra pas attendre si longtemps pour se mettre à l’heure brésilienne. Dès cet automne, les occasions vont se multiplier (puisque même les fameuses tongs Havaianas made in Brasil songent à développer des bottes de pluie…). Le groupe CSS sort par exemple ces jours-ci son nouvel album ( lire page 37). Il y aura aussi et surtout Europalia Brésil à partir du mois d’octobre. Tom Zé, le grand esprit allumé, passera notamment par le Théâtre 140, tandis qu’au Vooruit gantois, il sera au centre d’une soirée dédiée à la scène underground. L’occasion de mettre en avant un pays qui nargue joyeusement la crise. Depuis le début des années 2000, et l’élection de Lula en 2002, le Brésil a pris son envol. L’an dernier, il a encore connu une croissance de 7,5 % et au moins 4 % sont assurés cette année, malgré le ralentissement de l’économie mondiale, relevait récemment Le Point.

 » L’optimisme n’est pas forcément un trait de caractère brésilien. Mais aujourd’hui, il faut bien constater que les choses changent. On le voit à chaque coin de rue. » C’est Seu Jorge qui l’affirme de sa voix grave et enfumée. L’an dernier, il sortait encore le projet Almaz, avec lequel il mêlait reprises de standards brésiliens et « occidentaux » ( The Model de Kraftwerk). Il le faisait en collaboration avec Pupillo et Lucio Maia, batteur et guitariste du groupe de Mangue beat, Nação Zumbi, ainsi qu’avec le compositeur de B.O. Antonio Pinto. Preuve supplémentaire que les musiques venues du géant sud-américain carburent plus à l’émulation qu’à la compétition. Et si c’était ça, le secret de la formule brésilienne? « On a les mêmes rêves, vous savez. Et pas de pression. Ni de complexes ou de préjugés. C’est important pour nous. On ne le fait pas pour nous, mais pour le Brésil. Je suis fier de mon pays, de son peuple, de ce que les gens font pour survivre, pour continuer à sourire, à rêver… »

Avec Almaz, vous reprenez aussi bien Tim Maia que Michael Jackson… Pourquoi un tel disque?

Au départ, le but était juste d’enregistrer une chanson pour le film de Walter Salles, Linha de Passe. On s’est rendu compte que quelque chose se passait, un truc différent. Du coup, on a voulu continuer en reprenant une série de chansons à notre sauce. Cela a été très rapide. Spécialement pour les morceaux brésiliens. Pour les chansons en anglais, c’était plus compliqué. Ce n’est pas ma langue, je dois faire gaffe à l’accent. Je ne voulais pas foirer. Parce que je sais que tout le monde attend du Brésil quelque chose de frais et de nouveau. Ce pays a tellement changé…

Réellement?

Oui, il s’est vraiment transformé. A plusieurs niveaux. Ces 8 dernières années, l’économie brésilienne a décollé. Le gouvernement s’en est plutôt pas mal sorti, en s’ouvrant à l’extérieur, en signant des contrats avec l’Inde, la Chine, la Turquie, l’Afrique aussi… Le Brésil est devenu un leader en Amérique du Sud. Le pouvoir d’achat des gens a aussi pas mal augmenté et le secteur de la culture par exemple peut en profiter.

Lors des dernières crises financières, le pays est passé entre les gouttes?

En gros, le Brésil a été le dernier à la subir et le premier à en sortir. La vie reste chère. C’est toujours compliqué pour pas mal de gens. Mais lors de la faillite de Lehman Brothers, le Brésil a été relativement épargné. Aujourd’hui, une nouvelle classe sociale est née. On ne sait pas encore bien à quoi elle ressemble, ce que ces gens pensent, ou veulent faire de leur argent. Une chose semble tout de même claire: c’est une catégorie de personnes qui a décidé d’investir dans l’éducation. Ce sont des gens qui ont grandi dans des familles avec 6 enfants et qui aujourd’hui s’arrêtent après un seul gamin. Ils épargnent et misent tout sur l’éducation.

Comment se manifeste le renouveau du point de vue culturel?

Aujourd’hui, des artistes comme Madonna ou les Rolling Stones regardent comment ils peuvent faire des affaires ici. Cela devient intéressant pour eux. Dans l’autre sens, les artistes brésiliens tournent de plus en plus à l’étranger. Récemment, une chanteuse comme Ivete Sangalo a rempli le Madison Square Garden. C’est extrêmement rare pour un artiste étranger, une première pour un lusophone. Pour l’occasion, quelque 2500 Brésiliens ont fait le déplacement par avion jusqu’à New York ( des agences de voyage proposaient notamment des packages, ndlr). Les services d’immigration ne comprenaient pas ce qui se passait ( rires).

En quoi votre disque reflète-t-il cette nouvelle énergie? Qu’est-ce que cela change à la musique?

Ce qui a changé, c’est l’opportunité d’exprimer une nouvelle facette de notre pays. Tout le monde connaît un peu la culture du Brésil: la samba, la caipirinha… ( sourire). Aujourd’hui, on a envie de dépasser ça. Le but est de rendre le Brésil plus universel, moins territorial. Avec Almaz, il s’agit par exemple de brasser à la fois notre patrimoine et les influences rock, voire psychédéliques; de piocher aussi bien chez Gainsbourg que dans Presley. Le Brésil a besoin de ça.

SEU JORGE & ALMAZ, ALMAZ, DISTRIBUÉ PAR WARP.

RECONTRE LAURENT HOEBRECHTS

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