Cœurs vides

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Allemagne, il y a quelques années: Angela Merkel a démissionné, laissant la place aux populistes du CCC. Trump est réélu, Poutine toujours là et les Allemands préféreraient acquérir un lave-vaiselle plutôt que d’utiliser leur droit de vote. Dans un pays anesthésié, replié, et aseptisé, Britta et son associé syrien homosexuel Babak, ancien candidat au suicide, dirige Le Pont, une start-up qui tente, à l’aide d’algorithmes, de dissuader les candidats au suicide, sinon les convainc de s’engager finalement dans des attentats-suicides pour une “bonne cause”, l’écologie surtout. Mais voilà qu’un attentat non prévu est déjoué de justesse par le système sécuritaire à l’aéroport de Leipzig, tentative fomentée par deux anciens clients que Le Pont était parvenu à dissuader d’attenter… à leur propre vie. Juli Zeh ( La Fille sans qualités, Brandebourg) signe ici un roman dystopique grinçant, provocateur, à l’écriture directe à la manière d’un polar. Son récit met en garde contre l’apathie démocratique qui guette nos sociétés libérales anesthésiées par le désir de consommer, dans lesquelles chacun regarde ailleurs ou plutôt son nombril. Le parallèle est frappant avec l’Allemagne fédérale des années 70, dont le passé nazi est étouffé par le formol du miracle économique, la pacification américaine virant à l’opacification des années de guerre, et qui se voit seulement secouée par les attentats de la Rote Armee Fraktion visant d’anciens affidés du régime hitlérien. Au final, un livre convaincant sur le fond, pas tellement dans la forme.

De Juli Zeh, éditions Actes Sud, traduit de l’allemand par Rose Labourie, 288 pages

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