EFFET MIROIR – Rare dessinateur à avoir décroché un prix Pulitzer, Art Spiegelman se penche sur sa carrière avec une impressionnante autobiographie graphique.

Chez Casterman.

Né à Stockholm en 1948 de parents rescapés des camps de concentration, Art Spiegelman a toujours trimballé des valises d’angoisse au bout des bras. Ce qui aurait pu être une tare pour certains s’est transformé, chez lui, en un formidable moteur artistique. Passionné de BD depuis son plus jeune âge, l’homme commence son parcours profession- nel au début des années 70, en publiant ses premiers strips dans diverses revues américaines underground et psychédéliques.

C’est précisément autour d’une quinzaine de récits publiés à cette époque que Spiegelman a construit l’album Breakdowns, un parfait fac-similé de son tout premier album professionnel édité en 1978 à quelques milliers d’exemplaires seulement. Plus récente, puisque réalisée au cours des deux dernières années, l’importante introduction de l’ouvrage s’attarde sur des moments-clé de sa vie. Il y raconte sa découverte des comics et l’effet salvateur que ceux-ci auront sur son enfance souvent engluée dans l’univers crépusculaire de son environnement familial. Il y évoque ensuite son apprentissage: de l’après-guerre jusqu’à la découverte des auteurs phares de la contre-culture américaine, comme Robert Crumb, le génial géniteur de Fritz le chat. Des rencontres qui le conduiront quelques années plus tard à révolutionner les bases de la narration graphique avec son monumental Maus.

A L’OMBRE DES TOURS MORTES

Fortement marqué par les événements tragiques du 11 septembre 2001, Spiegelman revient également sur la genèse de The Shadow of No Towers. Fruit d’un travail de 3 ans, cet impressionnant livre objet est une véritable thérapie. Il essaye d’y verbaliser en images, les sentiments et les angoisses directement issues de la chute des tours jumelles du World Trade Center.

Breakdowns se termine par un court essai illustré dans lequel Spiegelman, en dessinateur écrivain, revient sur les raisons qui l’ont conduit à rééditer, en le mettant en perspective, l’album qui paraît aujourd’hui. Pour une fois, le but de l’opération n’est pas simplement commercial.

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VINCENT GENOT