Sous le patronyme de Beep, Bernard Plouvier pioche toujours dans un univers de mélodies enfantines, de pop songs égarées et de glamour autodidacte.
Si l’habitation est la métaphore de l’esprit de son occupant, la maison de Bernard Plouvier, planquée au fond d’une mini-cour d’un quartier mélangé de Bruxelles, est un début de réponse sur l’identité d’un personnage hors normes de la scène belge. Bernard, quarante-deux ans, reçoit dans un salon garni de meubles sauvés au hasard des brocantes et des déménagements. C’est un peu le bazar fauché mais l’occupation du lieu – comme de la musique sur l’album de Beep – paraît terriblement humaine. Bernard revient de Louxor – où il a habité une cabane près du Nil – et s’apprête à repartir pour un saut improvisé au Cap-Vert. Le tout dans des conditions aussi modestes que rocambolesques. » Je travaille avec rien et ce rien me passionne, tout comme ces voyages entrepris pour des raisons économiques mais pas seulement. Après trois disques solo sous mon nom, j’avais envie d’autre chose, d’un patronyme pour prendre un peu de distance avec moi-même. »
Cela ne veut pas dire que Beep soit le projet d’un quelconque exotisme, non, simplement, les morceaux ne tiennent pas en place et glissent entre les genres. Chanté quasi intégralement en français, En Mélotronie (sortie mi-janvier et distribué par Bang!) aligne onze chansons nourries de brusques écarts de styles. Mais souvent, elles fréquentent la même intimité mélancolique et se perdent dans des brouillards volontaires aux mélodies friables comme de la craie: Moving Life est de cette catégorie des morceaux blessés qu’on a envie de recueillir dans sa maison sentimentale. Chez Beep/Plouvier, le spleen n’est jamais que le voisin secret de la jubilation, poussant l’album dans d’autres moments, plus exaltés: » Pour la première fois en vingt ans, 2008 a été pour moi une année sans dépression… Ceci dit, je ne crois pas à la vertu thérapeutique de la musique parce que celle-ci peut aussi être destructive. Mais j’éprouve le besoin de mettre quelque part les mélodies qui arrivent dans ma tête. Mes disques vont dans des directions éclatées, mais les gens qui me connaissent en saisissent la cohérence. »
Un artiste intégral
Pour les autres qui n’auraient pas suivi le parcours de l’oiseau multi-instrumentiste – de Ninove à Mad Dog Loose et puis aux B.O. de la série Panique au village -, il reste ces paysages sonores jamais étanches à l’autobiographie et aux glacis de la souffrance. Beep, c’est aussi ces pics fiévreux de rock rauque où même les guitares sont très électriques ( Lenny) quand elles ne disparaissent pas au profit de mélopées au profond romantisme ( Up In The Sunset). Plouvier est un artiste intégral et son Beep mérite d’être écouté. Pas seulement » parce que la musique est un combat contre l’ennui« , mais parce qu’ici, elle vaut indubitablement la peine d’être vécue.
u En concert le 5/02 au Botanique à Bruxelles.
Philippe Cornet
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