Sans licol et à brides rabattues, les jeunes auteurs de BD réinventent le genre western. Sans pour autant renier le travail de leurs illustres aînés.
De Guérinau, Meunier et Hédon, chez Delcourt.
La première page d’ Après la nuit de Richard Guérinau et Henri Meunier mérite, à elle seule, son pesant de tabac à chiquer (il n’y a pas de cacahuètes dans les saloons). Donnant l’impression d’être imprimée de travers, elle montre les derniers instants d’un homme. La vue qu’elle nous donne sur une paire de santiags nous laisse penser que l’on assiste à la fin d’un duel qui a mal tourné pour le narrateur. Génial! En matière de western, on peut difficilement imaginer meilleure entrée en matière.
» Cela fait 10 ans que j’ai envie de réaliser un western dans lequel je raconte une histoire directement sortie de la légende de la conquête de l’Ouest, explique le dessinateur Richard Guérinau. Je ne voulais pas d’un récit collé à cette époque par besoin de décors. » » La difficulté, poursuit le scénariste Henri Meunier, était de dessiner une histoire que l’on n’avait pas encore lue. Dans le genre western, qui a connu quelques grandes séries en BD, c’était assez difficile. On a finalement opté pour un récit dans lequel tout le monde perd. Ce sont d’ailleurs les personnages qui nous ont amenés à cette conclusion. Si l’on prend la victoire finale du shérif, on peut dire qu’elle sera sa défaite. Un jeune cowboy s’en sort mieux. Il a enfin une journée durant laquelle il est quelqu’un. Malheureusement, il se retrouve dans un costume, un rôle qu’il ne peut pas assurer. Autre petite touche personnelle, une prostituée est le personnage principal de l’album. Dans le western, un personnage féminin a rarement ce rôle. Chez nous c’est un élément-clé. Elle apporte une petite touche d’espérance. Elle fait avec sa blessure. Elle arrive presque à mettre de la grâce dans le désespoir. »
Noir jusqu’au bout
Cette petite bouffée d’air est bien nécessaire. Sans exagérer, le côté noir de leur histoire, les deux protagonistes l’ont très bien réussi. On est loin des Tunique bleues ou de Lucky Luke. De même, on peut parler d’un album qui laisse une grande place à l’atmosphère: celle que le lecteur aura décidé de lui insuffler. A l’inverse des Comanche, Bluberry, Bouncer ou encore Durango, il n’y a pas, à proprement parler d’aventure dans Après la nuit. C’est plutôt un drame qui se joue sur une journée. Un laps de temps durant lequel chaque personnage va se retrouver devant son destin. Chacun, ils devront assumer leurs choix de vie face à la mort. » Le côté noir, il faut le jouer jusqu’au bout, précise Richard Guérinau. On n’avait pas envie de s’en sortir avec une pirouette. Comme dans la vie, il n’y a pas de bons et de méchants. Il y a simplement des gens avec des faiblesses… Beaucoup de faiblesses. »
Tirant résolument dans la direction inverse du western humoristique qui cartonne actuellement avec Big Foot de Nicolas Dumontheuil, Gus de Christophe Blain ou encore la série Lincoln d’Olivier Jouvray, Guérinau et Meunier font le pari réussi d’une histoire dramatiquement humaine. » J’aime beaucoup Blain, termine Henri Meunier. Mais l’histoire de Gus pourrait se passer ailleurs et à une autre époque. Dans son cas, on peut difficilement parler de western. »
www.vannavinci.it
Vincent Genot
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