
Anni Albers
Du couple Albers, on retient le plus souvent la figure mâle, ce qui est une constante dans l’Histoire de l’art telle que l’on a choisi de la raconter jusqu’ici. Peut-être le vent est-il en train de tourner car il est très peu fait mention de Josef Albers (1888-1976), peintre et théoricien de l’art dont les oeuvres expérimentales ainsi que les écrits d’avant-garde ont préfiguré le minimalisme, dans la rétrospective que l’on découvre en ce moment à la Tate Modern (dans les Eyal Ofer Galleries). On ne le regrette pas un instant tant sa femme, Anni Albers, née Annelise Fleischmann (1899-1994) du côté de Berlin, mérite l’attention. Élève de Paul Klee et théoricienne de l’art, elle enseigna au mythique Black Mountain College aux États-Unis et a participé à l’essor du mouvement Bauhaus tout autant qu’elle a signé une oeuvre textile fondamentale pour la modernité. La grande affaire d’Anni Albers, le pivot autour duquel tourne son travail, fut le tissage. S’ouvrant sur un métier à tisser, l’exposition de la Tate montre comment la pratique de l’intéressée a inextricablement noué art moderne et tradition artisanale, soit une articulation ô combien chère au Bauhaus -on sait à quel point les arts appliqués ont compté pour Gropius, Mies van der Rohe et Meyer. Pour l’occasion les multiples salles dégainent des centaines de créations géométriques qui magnétisent l’oeil. Celles-ci, bien plus que prouver l’impact fondamental d’Albers sur la modernité notamment en raison de son intégration du « toucher » au coeur de la pratique artistique -ce qui est le propos du commissaire Priyesh Mistry-, laissent entrevoir une nouvelle grille de lecture: en raison de son attitude sans préjugés sur les matériaux, Anni Albers préfigure le postmodernisme en véritable pionnière.
Tate Modern, Bankside, à Londres. www.tate.org.uk Jusqu’au 27/01.
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www.tate.org.uk
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