Z comme Animal’z – Bilal abandonne temporairement la peinture et revient à l’art graphique dans un one shot crépusculaire.
de enki bilal, éditionscasterman
Western futuriste habité par des personnages typés, l’album Animal’z est une rupture dans le travail du dessinateur yougoslave Enki Bilal. » C’est une réaction épidermique contre la peinture. Après La Tétralogie du Monstre qui m’a pris 12 ans, j’avais besoin de revenir aux fondamentaux de l’art graphique, à savoir le dessin. Animal’z c’est un peu une thérapie. Un album en flux tendu réalisé d’une traite. Je savais qu’il n’y aurait pas de suite, que je ne retrouverais pas ces personnages. Je les ai accompagnés sur une courte période de leur vie. » Animal’z commence par un préambule écrit. Dans un monde dont on ne sait trop s’il est une projection de notre futur, le dérèglement climatique s’est brutalement généralisé. La catastrophe porte un nom: le Coup de Sang. Sur la planète dévastée, quelques îlots ont réussi à préserver un semblant d’ordre social. Perdus dans l’immensité de ce désert aquatique, des petits groupes de personnes tentent de rejoindre ces Eldorados. Plutôt habitué des univers utopistes, Bilal place, cette fois-ci, son histoire dans un contexte presque réaliste. « Derrière chaque album, chaque travail, il y a des questions sur notre monde. Je suis un grand consommateur de médias. Mon parcours est lié à l’actualité, sauf que j’ai souvent l’impression d’avoir un petit pas d’avance sur la réalité. Mais je pense que 90 % de la trame de ce récit est réelle. Les personnages ont des préoccupations contemporaines. Ce n’est pas du tout un univers de science-fiction. «
Retour aux sources
Habitué à des albums baroques et moins linéaires, le lecteur risque d’être agréablement surpris par cet opus qui n’hésite pas à s’éloigner des paysages urbains si chers à Bilal. Ici, on passe son temps sur une banquise à la dérive. » Je cherche moi-même à me surprendre pour continuer à prendre du plaisir. Mon métier est une chance, ça serait honteux de ne pas en profiter. J’ai atteint beaucoup de mes envies, beaucoup de mes objectifs, dont le premier, le principal en fait, est la liberté de création. J’ai la chance d’être suivi par des lecteurs fidèles qui se sont renouvelés en cours de route. Même quand je les embarquais sur des voies un peu plus tortueuses, comme Le cycle du Monstre qui n’a pas été facile pour eux. » Assez hermétique, l’univers développé par Bilal ne se laisse généralement pas dompter à la première lecture. Dans ce domaine, Animal’z renoue avec plus de simplicité et un scénario moins alambiqué qui n’est pas sans rappeler l’époque de la collaboration avec Pierre Christin. « Il existe plusieurs façons d’aborder cette BD. Il y a d’abord une histoire très terre-à-terre: un western moderne avec des ours blancs en guise d’indiens. Il y a le récit de ces deux duellistes qui représentent la quintessence de l’esprit humain d’avant la catastrophe. Ils sont dans un nihilisme positif. Ces deux hommes ont atteint une forme de perfection dans un monde dont ils ne peuvent plus rien espérer. La troisième lecture se fait en cinq images qui sont un peu des têtes de chapitre. On y suit l’évolution de la cohabitation entre l’homme et l’animal. Actuellement je considère que notre monde est arrivé à la troisième image, celle où l’homme vient en aide à l’animal fatigué. Cette thématique environnementale me touche de plus en plus. C’est pourquoi je vais la prolonger sur deux albums qui seront, toutefois, totalement indépendants de celui-ci. C’est un chantier qui m’excite, mais que je compte réaliser en parallèle avec la réalisation de mon prochain film. » l
Vincent Genot
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