Aimer au temps des data

© courtesy Miche Rein

Artiste-vidéaste au cinéma plus léger que l’air, Ariane Loze revient avec deux films sur l’amour et la vie digitale. Deux pépites tournées à Paris.

Petit retour dans le temps. C’est vers 2018 qu’Ariane Loze (Bruxelles, 1988) s’est fait connaître auprès d’un public plus large. Pour cause, elle comptait parmi les dix talents sélectionnés pour amorcer la collection de Kanal-Centre Pompidou, le nouveau musée d’art moderne et contemporain bruxellois dont l’ouverture est reportée à 2025. Rien de surprenant à voir figurer le nom de cette trentenaire parmi les heureux élus tant son style détonne dans le paysage artistique actuel. Loze a été remarquée en raison de son cycle d’œuvres MÔWN (Movies On My Own), un projet entamé en 2008. Le principe? Des courts métrages autarciques au sein desquels l’intéressée endosse le rôle de femme-orchestre cinématographique. “Je me suis essayée à cette forme d’expression pour comprendre les principes de la narration au cinéma. Je tournais des petites saynètes dans lesquelles j’incarnais plusieurs personnages. On m’a fait comprendre qu’il y avait là un vrai potentiel. ça nécessite un effort d’adhésion du spectateur qui est comparable à ce qui se passe au théâtre, je lui demande de bien vouloir y croire”, détaille-t-elle. À la fois réalisatrice, scénariste, monteuse, costumière, régisseuse son et lumière, Ariane Loze maîtrise toute la chaîne de production de ses images, à l’exception de la post-production.

Let’s get Loze

Cette forme virevoltante épouse une observation aiguë de la société. Après avoir scruté les coulisses du management et son réel infusé à la rentabilité, Ariane Loze poursuit sa quête de contemporanéité en mettant en scène la réalité digitale et les algorithmes. Non sans nous laisser pressentir qu’il s’agit des mâchoires d’un piège en passe de se refermer sur nous. Réalisés en 2022 à Paris, Our Cold Loves (32’31’’) et If You Didn’t Choose A, You Will Probably Choose B (19’48’’) sont respectivement donnés à voir au centre culturel de Strombeek (jusqu’au 23 avril) et à la galerie Michel Rein. Plus longue, la première vidéo emmène le spectateur à travers un dédale de personnages -22 âmes en peine qui guettent l’amour ou le rapprochement des corps à travers le biais d’applications de rencontre comme Tinder. Du fétichiste du pied éconduit à l’entrepreneuse bien décidée à en avoir pour son temps et son argent, Loze s’attache à restituer la “novlangue” du désir par écran interposé ainsi que la non-réciprocité des monologues qu’il génère. Il en va de même pour If You Didn’t choose A… qui suit une jeune femme traquée à l’insu de son plein gré par les data brokers -comme dans Our Cold Loves, le coup de génie consiste à mimer les interactions virtuelles à partir d’un smartphone imaginaire, manière efficace de suggérer que l’omniprésence du digital est telle que nous ne le voyons plus. Jusqu’où consentirons-nous? Telle est la question.

Nos amours froides ****

D’Ariane Loze, à la galerie Michel Rein, Bruxelles. Jusqu’au 15/04.

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