Fin des années 70, la contestation prenait la forme de la guitare de Joe Strummer. Trente ans plus tard? Il n’est pas impossible que celle-ci se retrouve dans le sampler de Matthew Herbert.

C’est l’un des albums les plus passionnants de ces derniers mois. Sur There’s Me and There’s You, Matthew Herbert a retrouvé son big band, à qui il a fait signer la pétition suivante:  » Nous, soussignés, croyons que la musique peut encore être une force politique et pas seulement la bande son du surconsumérisme. » Explication:  » Toute musique est politique. 50 cent est aussi politique que je ne peux l’être. Il est juste de l’autre côté avec son discours homophobe et hypercapitaliste.  »

DJ, Herbert lui-même est issu du milieu électronique, plus enclin à s’échapper dans la danse qu’à s’engager.  » Il ne faut pas oublier que la house, par exemple, est une musique black gay de Chicago et New York. L’agenda politique était là. Pas forcément explicite, mais bien présent. En Angleterre, la scène rave était visée par le gouvernement. Donc, je pense que malgré tout, cet arrière-fond politique percole encore. »

Herbert questionne ainsi les différents pouvoirs. Politique, économique, médiatique… D’une part, en faisant pétarader son big band dominé par la voix d’Eska Mtungwazi; de l’autre, en distillant ses samples non pas repiqués à d’autres (il se l’interdit), mais capturés de-ci de-là. Regina par exemple contient notamment le son d’une Bible royale de 1902, ou encore celui de la cloche du Parlement, capté par Tony Benn, ex-élu travailliste et président de la coalition Stop The War. Sur One Life, Herbert a enregistré les appareils de surveillance de son fils né prématuré, chaque bips symbolisant 100 personnes mortes en Irak entre 2003 et 2006…  » Les sons n’existent pas en tant que tel. Ils ont un sens, un contexte. Un robinet d’eau qui coule ne fera pas le même bruit ici qu’en Palestine ou en Inde où 122 millions de personnes n’ont pas accès à des sanitaires convenables. »

Reste à cerner le rôle crucial du big band.  » D’abord, c’est une expérience viscérale, plus rock’n’roll que le rock lui-même. Dans un monde saturé d’infos, de mots, de pub, je trouvais important de revenir à quelque chose de direct et physique…. Et puis, surtout, c’est une excellente métaphore de la vie. Sur scène, tout le monde a sa partie, différente les uns des autres. Mais on se rejoint pour créer quelque chose de plus grand. C’est comme ça qu’est la société: chacun a besoin des autres. Ce que le capitalisme a appris à exploiter plutôt qu’à faire grandir. »

There’s Me and There’s You, K7/Pias.www.matthewherbertbigband.com

L.H.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content