RETOUR AU PAYS BIEN-AIMÉ. APRÈS 23 ANS D’ABSENCE, ALAIN MABANCKOU RENTRE AU BERCAIL À POINTE-NOIRE, AU CONGO BRAZZA, OÙ IL A PASSÉ SA JEUNESSE.

D’ALAIN MABANCKOU, ÉDITIONS DU SEUIL, 282 PAGES.

Né en 1966, il en aura fait du chemin depuis qu’il a quitté Pointe-Noire après un cursus universitaire en Droit. Le palmarès d’Alain Mabanckou est prestigieux et reconnu du monde entier: couronné pour l’ensemble de son oeuvre par le Grand Prix de littérature Henri Gal, il enseigne aujourd’hui à l’UCLA au département d’études francophones et de littérature comparée, doté de la prestigieuse bourse de la Princeton University.

Rentré au pays -Pointe-Noire, ville portuaire du Congo- après une longue absence, Mabanckou livre dans son nouvel opus le contenu de notes prises dans un cahier d’écolier durant les trois semaines où il est revenu arpenter « ses » terres. « Je suis venu, oiseau migrateur au ramage à moitié éteint, prêt à accepter l’ampleur de la désolation de ma terre… »

En une vingtaine de séquences, l’auteur de Verre Cassé nous offre les images impérissables d’un pays soumis à la détresse. A la manière des conteurs africains, il déracine les croyances, les superstitions, les rites qui permettent aux Ponténégrins de continuer à vivre et à espérer. Dans ce pays « où l’ethnie prime encore sur la Nation« , les conflits s’enlisent et c’est peut-être pour cette raison que le recours au surnaturel est une question de survie…

Mais le livre est aussi un adieu plus intime et émouvant à sa mère, Maman Pauline, décédée sept ans plus tôt et dont l’auteur n’a pu faire son deuil, et à Papa Roger, le père adoptif d’Alain, celui qui l’a éduqué et aimé tout en étant polygame. Et comme dans toute fratrie africaine, défilent les cousins, avides des cadeaux de « l’homme nécessairement riche« , de « l’Américain« : avec précaution et sensibilité, l’auteur marche sur les ombres de ses proches mais c’est sans complaisance qu’il dénonce la cupidité de certains.

Négritude

En tant qu’homme « des » cultures, et non pas de « la » culture comme se plaisent à l’évoquer les institutions européennes, Mabanckou revendique son adhésion à la négritude -« Je suis noir, et forcément cela se voit« , écrivait-il dans son essai critique Le sanglot de l’homme noir– quand il aborde les souvenirs de lycée, les amitiés indéfectibles, la description poétique de paysages urbains et naturels ou encore les « librairies parterre ». Ne dit-il pas « qu’il y a des livres qui ne peuvent être lus que dans le lieu où ils ont été écrits« ?

Rares sont les écrivains qui taillent les émotions brutes avec autant de finesse. Bien sûr, la nostalgie sous-tend les morceaux épars d’un puzzle censé le reconstituer mais à aucun moment, le livre ne tombe dans un désespoir noir (sic) comme c’est souvent le cas des romans actuels qui parlent d’Afrique.

L’humour est présent quand Mabanckou raconte ses films au cinéma Rex, quand il évoque ses héros de BD, plus vivants que nature aux yeux des enfants africains. De plus, il clôt souvent ses chapitres par une photo révélatrice qui donne corps à son discours. Un roman à dévorer pour son humanité et sa tendresse pour une Afrique à la dérive.

MARIE-DANIELLE RACOURT

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