Vol dans un musée? Pourquoi on pense toujours à Arsène Lupin

Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur depuis 1907, et encore pour longtemps… © Universal Images Group via Getty Images

Dans la nuit du 15 au 16 septembre dernier, près de 600.000 euros de pépites d’or étaient dérobés au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Un coup à la Arsène Lupin. Mais pourquoi les vols de musée sont-ils systématiquement associés à la figure du gentleman cambrioleur? La réponse n’est pas aussi évidente qu’il y paraît…

Entre 1994 et 2011, Stéphane Breitwieser a subtilisé quelques centaines d’œuvres d’art et d’objets précieux dans des dizaines de musées européens. A l’occasion de ses nombreux procès, pas un titre de presse ou presque ne passe à côté de l’analogie qui semble si évidente, surnommant le malfaiteur «l’Arsène Lupin des musées». C’est loin d’être le seul cambrioleur d’œuvres d’art à hériter de ce surnom, quand il n’est pas revendiqué par le criminel lui-même, comme Vjeran Tomic qui, après avoir mis la main sur une poignée de Picasso, Léger et Modigliani au Musée d’Art moderne de Paris en 2010, déclarait à la presse: «Quel rôle j’ai eu? Arsène Lupin!»

Ce personnage de fiction créé par Maurice Leblanc apparaît pour la première fois en 1905 dans la revue mensuelle Je sais tout. L’élégant hors-la-loi rencontre un succès immédiat, et un premier recueil de nouvelles, Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur (1907), pose les bases du culte à venir. Contre toute attente, dans ces premiers textes, il préfère de loin les châteaux et maisons bourgeoises cossues aux salles des musées, volant consciencieusement les plus fortunés, surtout quand ceux-ci n’ont pas le goût d’apprécier leurs richesses. Car certes, Arsène Lupin est un gentleman, mais c’est surtout un esthète. Dans Arsène Lupin en prison, il planifie la «visite» du château de Malaquis, propriété du baron Nathan Cahorn où végètent sans être justement estimés «les trois Rubens qu’il possède, ses deux Watteau», ainsi qu’une «crédence Louis XIII, les tapisseries de Beauvais, le guéridon Empire signé Jacob et le bahut Renaissance», tels qu’énumérés dans la liste de courses établie par Lupin –avec une réserve pour le plus grand des Watteau, «qui n’est qu’une copie». On y est: Lupin ne vise pas nécessairement les musées, mais c’est un collectionneur d’art avisé, qui sait reconnaître le vrai du faux.

«Certes, Arsène Lupin est un gentleman, mais c’est surtout un esthète.»

Après quelques péripéties où il dérobe en passant bijoux et pierres précieuses, on découvre d’ailleurs dans L’Aiguille creuse premier roman emblématique de la saga qui a contribué à redéfinir la forme du roman policier au début du XXe siècle– son repaire secret au pied des falaises d’Etretat où il entrepose son butin. On y trouve «les signatures les plus illustres», Raphaël, Titien, Botticelli, Tintoret, Rembrandt, Vélasquez, et même La Joconde. Forcé de fuir, Lupin laisse aux autorités, dans sa grande magnanimité, une note indiquant qu’il lègue ses trésors à la France à condition qu’ils soient installés au Louvre dans une salle portant son nom. Ici sûrement naît le mythe, celui d’un voleur aux goûts esthétiques raffinés et à la «méthode douce». Pas d’effusion de sang, une bonne dose de mystère, et même une touche d’humour.

Lupin ne vole initialement pas par appât du gain mais par amour de la beauté, avant que Leblanc ne transforme, au fil des 20 romans et recueils de nouvelles, son personnage en héros en quête de justice sociale. Autant de traits que l’on retrouvera chez Assane Diop, le personnage incarné par Omar Sy dans la série Netflix, fasciné par l’œuvre de Maurice Leblanc dont il emprunte l’art du travestissement et de l’énigme pour venger ses géniteurs, et plus si affinités. Une série diffusée avec succès dans le monde entier, et qui a largement contribué à remettre au goût du jour l’œuvre malicieuse et étonnamment moderne de Leblanc. On n’a pas fini de voir partout des Arsène Lupin…

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