Critique | Livres

Une expérience sensuelle avec Peau-de-sang d’Audrée Wilhelmy

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Audrée Wilhelmy © Getty © Getty

Audrée Wilhelmy, Le Tripode

Peau-de-sang

240 pages

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Anne-Lise Remacle Journaliste

On entre avec force, forme et viscères dans le nouveau livre d’Audrée Wilhelmy (Les Sangs, Blanc Résine).

La narratrice, seulement connue par son surnom Peau-de-sang, est pendue parmi les oies des neiges et entraperçoit, derrière la vitrine de son échoppe, un attroupement de visages masculins contemplant ses macabres derniers instants. C’est qu’à Kangoq, ville secrète et intemporelle imaginée par Audrée Wilhelmy, elle n’exerçait pas seulement comme plumassière. Tantôt initiatrice des jeunes femmes en bourgeonnement, « (aux) tresses frisées (qui) sentent les fleurs et la crasse adolescente« , tantôt consolatrice des hommes égarés, elle est un liant à la marginalité assumée, mais qu’on consulte de tous ses pores et qu’on respecte.

Entre le western (et autant de statuts archétypaux qu’on en trouverait dans l’Ouest : médecin, notaire, maire ou encore orphelin) et le conte noir (comme chez Angela Carter, impossible d’empêcher les loups de rôder mais Peau-de-sang trouve son autonomie et son ascendant aussi par le corps), Audrée Wilhelmy façonne un personnage inoubliable. Sa langue se fait ici chambre d’échos mouvante et poétique (un peu à la manière d’un Lobo Antunes), diffractée au fil des sensations et relations, et pousse plus loin l’expérimentation. Voilà une autrice dont la belle singularité sauvage méritait bien de trouver une maison qui lui ressemble.

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