Critique | Livres

Un duel au soleil qui, d’une farce, vire à la tragédie

4 / 5
Emma Dante

Emma Dante, Chemin de Fer

Rue Castellana Bandiera

175 pages

4 / 5
Anne-Lise Remacle Journaliste

Seul roman de l’autrice et metteuse en scène Emma Dante, Rue Castellana Bandiera est un duel au soleil bouillant, avec comme arrière-fond bruissant une Sicile contrastée.

Dans une rue très étroite, deux conductrices -deux mondes irréconciliables- vont camper sur leurs positions, refusant obstinément de céder le passage à l’autre en face. Dans l’une, arrivée au port d’Otrante sur une embarcation de fortune, Samira (vieille dame albanaise), qui vit dans l’illégalité depuis seize ans en Sicile, où sa fille (désormais décédée) a épousé le patriarche du camp Calafiore, de loin son aîné. « Avec une identité ébréchée, elle s’est comme absentée du présent« . Celle qui la toise (la « talaje« ) avec ressentiment derrière l’autre volant est Rosa.

En couple avec Clara, elle n’assume pas, au risque imminent de perdre celle qui l’aime. Émigrée à Milan depuis que son père l’a reniée à cause de son homosexualité, Rosa n’est de retour sur l’île qu’à reculons, portant encore les stigmates du rejet. D’autres automobilistes s’impatientent, invectivant les deux femmes en sicilien. Marque tangible de la collision violente, la langue insulaire (minorée face à l’italien) est restituée ici astucieusement avec des emprunts occitans, créant une étrangeté et une âpreté quand la tension, autour, ne fait qu’augmenter… jusqu’au tragique.

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