Le Couteau: la résilience de Salman Rushdie

Philippe Manche Journaliste

Publié 20 mois après l’attaque dont l’écrivain a été victime, Le Couteau, de Salman Rushdie, est autant une ode à la liberté d’expression qu’un traité de résilience.

Deux questions s’imposent à la lecture du livre événement de l’auteur du récent La Cité de la victoire. Le Couteau: réflexions suite à une tentative d’assassinat sort 20 mois après l’attaque au couteau dont a été victime Salman Rushdie le 12 août 2022 dans l’amphithéâtre de Chautauqua, dans le nord de l’État de New York. Si on se demande légitimement pourquoi le romancier, condamné à mort il y a plus de 33 ans par l’ayatollah Khomeini suite à la publication des Versets sataniques, abandonne la fiction pour ce qu’il qualifie de « nouvel essai autobiographique« , après Joseph Anton, c’est parce que, explique-t-il, dans un ­entretien accordé à La Nouvelle Revue Française « si quelqu’un vous plante un couteau dans le corps, on l’éprouve de manière très personnelle. Cela suppose un livre à la première personne« .

Quant à l’aspect thérapeutique d’une telle démarche, Salman Rushie y répond à la page 174: « Je n’aime pas l’idée que l’écriture soit une thérapie. » « L’écriture, c’est l’écriture, la thérapie, c’est la thérapie, mais il y avait de bonnes chances qu’écrire cette histoire de mon point de vue m’aide à me sentir mieux. » Dont acte pour un ouvrage qui fait écho à celui de Philippe Lançon, le poignant Le Lambeau. Après Samuel Beckett -mais c’était par un cinglé-, et le prix Nobel de littérature égyptien Naguib Mahfouz, poignardé à l’arme blanche au Caire en 1994 par deux islamistes, Salman Rushdie est le troisième écrivain à figurer sur cette sinistre liste.


Il faut lire Le Couteau comme une ode vibrante à la littérature, au pouvoir de celle-ci et à la liberté d’expression, comme une magnifique histoire d’amour avec son épouse, la poétesse américaine Rachel Eliza Griffiths, et comme un traité de résilience. Où, soit dit en passant, son agresseur, qu’il appelle « Le A.«  n’est jamais nommé. Salman Rushie y exprime aussi « pour la toute dernière fois » sa conception de la religion: « Je n’ai aucun problème avec la religion dès lors qu’elle occupe la sphère privée et ne cherche pas à imposer ses valeurs aux autres. » On est bien d’accord!

Le Couteau: réflexions suite à une ­tentative d’assassinat, de ­Salman ­Rushdie, éditions Gallimard, ­traduit de l’anglais par ­Gérard ­Meudal, 272 pages.

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