Rentrée littéraire: les essais qu’on attend le plus
Se constituer soi-même comme sujet anarchique (parution en septembre)
Lire Marx (parution en octobre)
De Reiner Schürmann, les deux ouvrages aux éditions Diaphanes, 132 pages chacun.
Reiner Schürmann fait partie de ces figures mystérieuses ayant émaillé l’Histoire de la philosophie au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Allemand né au Pays-Bas, passé par un kibboutz en Israël puis ordonné prêtre dominicain en France, pour mourir des suites du sida aux États-Unis, où il enseignait à la New School of Social Research, il a laissé derrière lui une oeuvre rare, où le fragment contraste avec le geste panoramique -une oeuvre où plane partout le spectre de Martin Heidegger, avec qui Schürmann avait étudié. Les éditions Diaphanes, à Bienne, qui ont réédité tous ses livres, font paraître deux inédits importants, préfacés et traduits par Mehdi Belhaj Kacem, qui approfondissent sa grande obsession: qu’il n’y a de fondement de rien.
Plexiglas mon amour (déjà paru)
D’Éric Chauvier, éditions Allia, 160 pages.
Il n’est jamais là où on l’attend. L’anthropologue Éric Chauvier, qui s’est rendu célèbre par ses explorations très subjectives des espaces déclassés du présent, n’a cessé d’inventer des formes nouvelles permettant d’emmener la pensée là où elle n’en a pas l’habitude. Dans Plexiglas mon amour, il accompagne une connaissance férue de survivalisme et de collapsologie pour tenter de comprendre ce qui se joue dans le désir de retour à une vie qui n’a d’authentique ou de naturel que le nom.
Les Formes du visible (déjà paru)
De Philippe Descola, éditions du Seuil, 848 pages.
Seize ans après Par-delà nature et culture (Gallimard, 2005), son chef-d’oeuvre, le grand anthropologue Philippe Descola offre un nouveau chapitre à sa cartographie systématique des perspectives que les différentes cultures jettent sur le monde. Dans Les Formes du visible, il traverse l’espace et le temps pour examiner combien notre conception de la vie, du monde et de ce qui en général détermine ce que nous sommes ou pas capables de voir. Chef-d’oeuvre annoncé.
Philosophie de la maison (parution le 13/10)
D’Emanuele Coccia, éditions Rivages, traduit de l’italien par Léo Texier, 150 pages.
En quelques livres à peine (dont les best-sellers La Vie des plantes et Métamorphoses), Emanuele Coccia s’est affirmé comme une des voix les plus subtiles et élégantes de la pensée d’aujourd’hui. Il revient avec son premier livre écrit en italien depuis Le Bien dans les choses (Rivages, 2013): une méditation sur l’architecture de l’intime qui oppose un récit nouveau à celui de la primauté de l’urbain avec lequel la pensée occidentale s’est construite.
De l’art en duty free (parution en septembre)
De Hito Steyerl, éditions Presses du Réel, traduit de l’anglais (États-Unis) par Armelle Chrétien, 304 pages.
À la suite de son immense rétrospective au Centre Pompidou, celle que beaucoup considèrent comme la plus importante artiste vivante voit ses écrits enfin traduits en français -après avoir fait le tour du monde. De l’art en duty free, paru en anglais en 2017, rassemble une série d’essais brillants et corrosifs sur l’état de l’art contemporain, le fascisme capitaliste, les mondes numériques et ce qui reste de la réalité. Ils dessinent un portrait inédit de l’artiste en penseuse.
Mais aussi
Les grands éditeurs n’accompagnant plus les pensées émergentes et ne traduisant plus les écrits des grandes figures internationales, il revient aux petites maisons d’opérer le travail de défrichage. C’est le cas en cette rentrée, qui verra Zulma poursuivre la diffusion en français des travaux de Timothy Morton (Être écologique), Divergences publier les réflexions de Mike Davis sur le coronavirus (Le monstre est parmi nous), Zones Sensibles faire paraître le chef-d’oeuvre de William Cronon, Chicago, métropole de la nature, ou les Presses du Réel opérer une mise à jour panoramique avec Terraformation 2019de Benjamin H. Bratton, Jeu de construction pour une théorie des médiasde Hans Magnus Enzensberger, Introduction à l’esthétiquede Masakazu Nakai ou Le Contemporain, l’Intempestif et l’Imminent de Emmanuel Alloa. La pensée de langue française ne s’est pas endormie pour autant: Thomas Piketty revient avec Une brève histoire de l’égalité (Seuil), Camille de Toledo avec Le fleuve qui voulait écrire (Les liens qui libèrent), Philippe Baudouin avec Apparitions (Hoëbeke) ou nos compatriotes Véronique Bergen et Stéphane Lambert avec des essais sur Liliana Cavani (Portier de nuit, Les Impressions Nouvelles) ou Paul Klee (Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir, Arléa).
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