ROMAN
de Renaud Cerqueux, éditions Le Dilettante, 256 pages. **(*)
L’idée de départ est aussi simple que stimulante: un grand entrepreneur un peu marlou sur les bords est enlevé au sortir d’un dîner « du siècle », puis incarcéré dans une pièce anonyme où un « Marx à paillettes » -grimé en créature de Roswell, milliardaire de Monopoly ou galérien des Hauts-de-France- lui impose sur une durée d’un an un stage ouvrier bête à pleurer (empileur de sucres) et des discours politiques dignes d’un altermondialiste en culottes courtes. Pourquoi, au fond? Par qui? Comment? Renaud Cerqueux semble se moquer d’apporter des réponses à ces légitimes interrogations, pour se concentrer sur le dépérissement, le pathétique plaidoyer puis la saisissante transformation de son ultra-privilégié et cynique personnage. Si cet héritier modèle, persuadé comme pas mal de nantis d’être unself-made man simplement parce qu’il a parfois investi l’argent de Papa dans des domaines qui ont déplu à ce dernier (la pornographie, en ce qui le concerne), dispose de l’épaisseur psychologique d’un phasme, le sens de la formule de son auteur (« C’est le problème quand on est habitué au pouvoir, on finit par se prendre au sérieux« , tandis que les travailleurs sont contraints « d’aligner leur force de travail sur [les] projets d’avenir » des puissants) rend le roman sympathique, à défaut d’être inoubliable.
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