Avec son premier roman Quatre jours sans ma mère, Ramsès Kefi signe une chronique urbaine qui évite les clichés.
Quatre jours sans ma mère
Premier roman de Ramsès Kefi. Editions Philippe Rey, 208 pages.
La cote de Focus: 4/5
«Ta mère a fugué.» Venu alerter Salmane en pleine nuit, au milieu de l’ancien centre commercial désert, le papa invincible n’en mène pas large. Désorienté, dégaine en vrac, le roc Hédi Gammoudi se fissure: Amani a mis les bouts! Elle a appelé son mari à 20 heures, prévenu qu’elle reviendrait quand elle se sentirait prête. Dès lors, vite, ficeler un bobard pour éviter que la rumeur des cancans gagne toute la cité: la fuite d’une Mama, «ça se fait pas, on joue pas avec ça!» Réunis par la stupeur et l’incompréhension, père et fils regagnent le huitième étage de la tour Hirondelle, encaissent chacun à leur manière, apprenant à se débrouiller seuls. En 50 ans de mariage et pas une nuit sans elle, Hédi commence à dévisser, et pas que les meubles! «Si elle n’est pas revenue demain, je divorce.» De son côté, Salmane gamberge et découvre l’inquiétude: toujours installé chez ses parents à 36 ans, palpant le Smic dans un fast-food, «je suis quel genre de fils?» Et si Amani était retournée au bled, en Tunisie? «Inch’Allah, bientôt les lions!»

Dans une ode à la Mama modelée entre gouaille et tendresse, Ramsès Kefi slalome entre les tours d’un quartier populaire et évite l’écueil des clichés. La Caverne, cité aux murs tagués d’aurochs, de bisons, de mammouths, c’est d’abord un pays enclavé et sa routine, pas un coupe-gorge, même si les grands projets sont allés «se faire foutre». Entre la tchatche d’un Hadrien Bels (Cinq dans tes yeux, Titi la Blanche) et les Chroniques de l’asphalte de Samuel Benchetrit, cette quête des origines emporte le morceau par la bienveillance d’une verve complice, un bagout qui évite les embrouilles en riant d’un «walou». Avec ses mâles bousculés dans leurs certitudes et une mère rayonnante, une chronique urbaine attachante où niche une signature au parler-vrai. «Fais une douche et un shampoing. On va chez les gens.»