
Jean-Noël Pancrazi rend hommage à sa soeur malade dans un récit pudique et lumineux
Jean-Noël Pancrazi, Gallimard
Quand s’arrêtent les larmes
Ecrivain de la mémoire dont il a exploré tous les recoins dans des récits infusés de souvenirs personnels –l’enfance en Algérie, les années sida…–, Jean-Noël Pancrazi poursuit dans la veine intime avec cette évocation sensible et touchante d’Isabelle, sa «petite sœur adorée». Unis hier face à une mère maniaco-dépressive ou face à l’épreuve de l’exil, unis encore aujourd’hui face au cancer qui frappe cette femme indépendante, libre, «dévouée et intrépide», ardente défenseuse des réprouvés.
L’auteur de Madame Arnoul se tient à ses côtés –«C’était à mon tour de veiller sur elle»–, témoin ému de leur complicité sans faille. Mettant entre parenthèses sa vie à Paris et au Maroc, où l’attend un jeune amant démuni, il a rejoint sa cadette à Perpignan, où elle s’est installée après une carrière à la mairie de Versailles, et où rôdent les fantômes de leur jeunesse puisque c’est sous le ciel catalan qu’ils ont atterri après avoir fui l’Algérie devenue indépendante.
«Nous avions le même regard sur ce qui nous avait épanouis, rendus heureux ou blessés». Sans pathos, le grand frère évoque les rituels imposés par la maladie –la perruque, les trajets en taxi pour les séances…–, salue «son envie de l’emporter, de ne pas chavirer». Mais plus que la tristesse ou le désespoir, c’est bien la vie qui frémit sous la peau de phrases fleuves gorgées d’humanisme. Comme quand il réveille le souvenir des amis de Batna ou celui des éclopés croisés quelques années plus tôt lors d’un séjour prolongé dans un centre de revalidation. Un voyage dans le temps attentif aux petites joies simples comme à celles gravées dans le cœur de son âme sœur, passionnée de cinéma.
Une brume de nostalgie parfume le récit, mais elle est légère, délicate, même quand il évoque ce père fou de sa fille qui finira à l’asile après s’être perdu dans le chagrin. Jean-Noël Pancrazi célèbre avec pudeur et tendresse l’ordinaire qui a le goût sucré de l’aventure humaine.
L.R.
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