Playa Philo (1/8): Se dorer au soleil avec Platon

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Laurent de Sutter
Laurent de Sutter Professeur à la VUB

Chaque semaine, petits problèmes et grandes solutions: comment les vieux barbons de la philosophie viennent au secours du vacancier perdu.

C’est la fable la plus célèbre de l’Histoire de la philosophie. Dans l’apologue de la caverne qui forme le coeur de son Banquet, Platon (428-348 av. J.-C.) décrit la condition humaine comme celle d’une bande de créatures troglodytes, enchaînées à la paroi d’une grotte, incapables de bouger la tête et fascinées par les ombres projetées devant leurs yeux par un feu de joie situé en hauteur derrière eux. Pas fun? Non. Jusqu’au jour où un prisonnier plus malin que les autres décide d’ôter ses chaînes, de se retourner, et d’aller voir ce qui se trame dans son dos. Il quitte la grotte, dépasse le feu et continue à crapahuter jusqu’à se retrouver face au feu aveuglant du soleil -que Platon présente, dans son dialogue, comme le souverain Bien. Illuminé par ce spectacle, l’homme libre entreprend de redescendre dans la caverne pour porter la bonne parole à ses camarades. Peine perdue: ils ne veulent pas l’écouter, car ils préfèrent l’air conditionné et la télé. Depuis, le soleil est resté, dans la pensée occidentale, le lieu d’une épreuve: à la fois lueur insoutenable, lieu d’une vérité qui ne peut se regarder en face, mais aussi signe d’un dehors qu’on fait davantage semblant de désirer qu’autre chose, il incarne un paradoxe douloureux. Rien ne permet de mieux le comprendre que l’expérience de la plage -où, après quelques heures de grillade sous les rayons de la vérité, la plupart d’entre nous sont trop heureux de regagner leur terrier ombragé pour y prendre le frais (ou soigner les cloques ayant fait irruption à la surface de leur épiderme). Faut-il en conclure que l’expérience de la plage est une expérience métaphysique? Ou bien, au contraire, que les aimables rêveries de Platon ne tiennent pas plus debout qu’une motte de beurre laissée en plein cagnard? Sans doute un peu des deux. Car il manque décidément une théorie de la crème solaire dans Le Banquet.

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