ROMAN
de Peter Geye, Éditions Actes Sud, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Rabinovitch, 360 pages. ***(*)
Plongée dans la nature inhospitalière du Minnesota sauvage, au sein d’une population rustre qui perpétue minutieusement ses non-dits de génération en génération, la narratrice, une vieille dame arrivée au crépuscule de sa vie, éprouve le besoin de raconter son amour éperdu pour Harry. Il vient de « disparaître », ayant quitté son lit de mort pour l’obscure forêt septentrionale. Elle s’adresse au fils d’Harry, Gus, qui ploie sous les mystères d’un père trop souvent mutique. Tous deux se racontent alternativement l’homme qu’ils ont aimé: un périple hasardeux en canoë, entamé en 1963, au cours d’un hiver polaire dont Gus se remet difficilement et la solitude, la férocité du climat et cette glace qui isole Gunflint, la petite ville où ils demeurent sous le regard des vieilles, derrière leurs rideaux qui observent, jugent, souffrent. Le récit oscille entre la tragédie, dont la fatalité est inéluctable, et les scènes familiales, où les huis clos « cosy » enveloppent le lecteur. Les personnages aussi sont déchirés entre la violence des sentiments et la passation de valeurs perdues. Après une ouverture au rythme un peu lent, lié à l’âpreté du contexte et ponctué de paysages éblouissants, ce premier roman de l’Américain Peter Geye à être traduit en français nous envoûte grâce à une narration fluide et des images percutantes qui sondent les profondeurs de l’âme de la narratrice.
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