Nagui Zinet, le raté sensass de la rentrée littéraire

Nagui Zinet, l'un des nouveaux visages de cette rentrée littéraire. © Francesca Mantovani/Gallimard

Avec son premier roman, Une Trajectoire exemplaire, Nagui Zinet est l’une des sensations de la sacro-sainte rentrée littéraire. Il sera à l’affiche de l’Intime Festival de Namur, et a répondu à nos questions.

Il arrive qu’il termine ses mails d’un « (l’autre) » accolé à son prénom. Nagui Zinet n’est, pour l’instant, pas aussi célèbre que l’animateur de France 2, mais il ne sort pas non plus totalement de nulle part: suivi par le gratin de la face littéraire d’Instagram, ses petits textes percutants et au charme désuet sont likés par centaines, et recommandés par des pointures comme Nicolas Mathieu. Il sera présent le 31 août à l’Intime Festival à Namur pour un entretien mené par l’éminent Pierre Lescure, tandis que des extraits de son livre Une trajectoire exemplaire (aux éditions Joëlle Losfeld) seront lus par Claire Bodson. Le comédien Félix Vanhoorenberghe en fera une grande lecture le lendemain. Dans ce tout premier roman, on y suit N., raté complet. Après être tombé amoureux, il s’enlise dans un mensonge qui le mènera inéluctablement au pire. On retrouve la même efficacité, le même ton à la fois provoc’, touchant et désespéré que dans les délicieux écrits qu’il distille sur Instagram. Nagui Zinet s’y fait appeler Nestor Maigret; là-bas comme dans le livre, il s’entête, malgré ses tout juste 30 années, à multiplier les références à quelques maîtres d’un temps révolu comme Simenon, Goodis ou Bukowski. Il nous en dit plus… sans se prendre la tête.

C’est votre premier roman. Combien de temps cela vous a-t-il pris pour l’écrire?

Nagui Zinet: Environ trois semaines. Ça paraît peu mais, outre ma fainéantise, j’ai besoin d’être dans le même état d’esprit du début à la fin. Alors, il faut que ça aille vite!

Votre texte dégage une sensation de maîtrise. Pouvez-vous nous révéler quelques secrets de votre routine d’écriture?

Nagui Zinet: J’écris quotidiennement, depuis quelques années, donc cette « maîtrise » dont vous parlez (avec générosité!) vient peut-être du seul fait d’écrire beaucoup. C’est le matin que ça se passe généralement: je marche en écoutant de la musique, je rentre et, n’ayant rien à faire, j’écris.

On entend beaucoup parler de la difficulté pour les néo-écrivains de trouver un éditeur. Comment cela s’est-il passé pour vous?

Nagui Zinet: Joëlle Losfeld lisait les textes que je publiais sur Internet et l’on avait fini par se rencontrer. Elle m’a incité à écrire un roman plutôt que des nouvelles -probablement parce que le genre est boudé en France- et je m’y suis mis.

Sur la quatrième de couverture, on parle de “loser magnifique”. Votre héros est bien un loser, mais on ne l’envie guère, son comportement est assez détestable. Qu’en pensez-vous?

Nagui Zinet: Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont un homme se débrouille, ou ne se débrouille pas, quand il est dos au mur. Quand il est « l’homme nu », cher à Simenon. Comment un simple mensonge peut entraîner un homme dans une situation pas possible. Je ne sais pas si c’est un loser magnifique mais, ce que je sais, c’est que c’est un jeune homme seul dont la solitude morbide le pousse à faire des choses délirantes. Selon moi, oui, son comportement est détestable mais l’être humain ne l’est pas plus que la plupart des gens qui l’entourent.

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Vous êtes plutôt jeune. D’où vous vient cette affinité pour les Thompson, Maigret, et autres Goodis? Lisez-vous des auteurs et autrices plus récents et d’autres styles de livres que du roman noir?

Nagui Zinet: J’ai commencé à lire assez tard. Aussi, j’ai fait semblant comme tout le monde de lire des classiques bien comme il faut. Puis, je suis tombé sur un livre de Goodis qui m’a amené à Thompson et ainsi de suite. Je me suis senti bien dans cette littérature, elle me rassurait. Sinon, côté Français, Bove, Meckert et Martinet m’ont beaucoup apporté. Je lis assez peu les contemporains, non par mépris ou autre sentiment pas terrible, mais parce que je suis un obsessionnel et relis sans cesse les mêmes auteurs.

Votre personnage, N., fait parfois penser à Ripley, le héros de Patricia Highsmith. Comme lui, N. est trouble et, sous ses airs nonchalants, parfois calculateur lui aussi. Est-ce aussi une de vos influences?

Nagui Zinet: Non. Je n’ai pas lu les livres d’Highsmith sur Ripley mais j’ai commencé la série. Je crois que je préfère encore le film avec le piètre Matt Damon! La photo est belle mais ça m’a fait énormément bailler. Soit. Dans les films, Ripley est un ambitieux, ce qui n’est pas du tout le cas de mon personnage!

Vous allez débuter la “promo” de votre livre, avec, entre autres, un passage à l’Intime Festival de Namur. Dans quel état d’esprit abordez-vous cette phase parfois redoutée par les néo-romanciers?

Nagui Zinet: Je ne pouvais rêver mieux comme début de promo. D’autant que c’est un festival créé par Poelvoorde, idole de jeunesse et lecteur de Bove qui plus est! Des anxiolytiques passés avec de la bière belge m’aideront sûrement à vivre ces moments qui seront, forcément, stressants.

Planchez-vous déjà sur un nouveau roman? Si oui, sera-ce aussi un roman noir?

Nagui Zinet: Je viens d’achever un recueil de nouvelles et le roman suivra de près. Ce ne sera pas un roman noir. D’ailleurs, je ne considère pas qu’Une trajectoire exemplaire est un roman noir non plus! Au mieux, c’est un hommage que, dans son monologue, le lecteur assidu qu’est le personnage, rend au « genre ». Enfin, la distinction entre roman noir et la « grande littérature blanche » ne m’intéresse pas. Il y a des bons et des mauvais romans, c’est tout. La plupart des livres de Goodis, pour revenir à lui, seraient aussi bien en Folio qu’en Rivages Noir. Et on pourrait dire l’inverse de Faulkner ou de certains Dostoïevski!

Coup d’œil sur l’Intime Festival

Du 30 août au 1er septembre, se tiendra le douzième « chapitre » du toujours très attendu Intime Festival de Namur. Les lieux emblématiques de la ville accueilleront une nouvelle fois une programmation éclectique et alléchante, mêlant littérature, peinture, illustration, photographie, cinéma, théâtre… Cette année, l’Intime accueille notamment le fantasque Tampographe Sardon en résidence, et accorde une carte blanche à l’acteur-réalisateur Mathieu Amalric. En littérature, outre Nagui Zinet, on retrouvera des « stars »: Marie-Hélène Lafon, Laurent Gaudé, Marcel Cohen, ou la rare Gabriella Zalapi. Pour de « grandes lectures », les comédiennes Anna Mouglalis et Florence Loiret Caille s’attaqueront respectivement à Goliarda Sapienza et à Tove Ditlevsen. Au rayon des Belges, Caroline de Mulder, Chris de Stoop ou encore Philippe Marczewski seront de la fête. Côté danse, Sofiane Chalal débarquera en solo. Quant au musicien alsacien Rodolphe Burger, il accompagnera la philosophe Vinciane Despret pour poursuivre une discussion artistique débutée avec le regretté Pierre Alferi, écrivain et fils de Derrida. La photographie ne sera pas en reste: Antoine d’Agata sera présent lui aussi, aux côtés du prix Goncourt 2008, Johnathan Littell, pour leur livre en commun sur le conflit ukrainien. Un peu de BD aussi, avec notamment la truculente Claire Le Men, et même de la radio, avec Léna Burger et Lou Colpé. Que du lourd!

Intime Festival, du 30/08 au 01/09, à Namur.

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