ROMAN | La ville du Caire semble être divisée en deux castes distinctes: d’un côté, les arnaqueurs, ils sont légion, qui déploient leurs journées oisives dans des subterfuges destinés à pourrir la vie de l’autre caste, les pigeons.
Au centre de ces extrêmes, très peu de monde. Mohamed Ibrahim appartient à la seconde catégorie; il a une vingtaine d’années, cherche du travail et se trouve piégé au village entre une mère intrusive et les ragots des voisines. Aussi décide-t-il de louer une chambre au centre-ville, garçonnière qui revêt à ses yeux un caractère sacré car elle doit lui ouvrir les portes de la liberté et surtout celles des expériences sexuelles sérieusement entravées par une timidité maladive. Mais la cambuse est pourrie et les moeurs partent à la dérive… Le procédé narratif est intéressant, il s’agit d’un récit en miroir où le « tu » est utilisé par le narrateur qui s’adresse au protagoniste qui n’est autre que lui-même. Un peu à la manière de Butor dans La modification sauf que Butor s’adressait au lecteur. Mohamed S. al-Azab propose davantage une chronique qu’un véritable roman; il dépeint une mégalopole livrée à la crise du logement, à la corruption, où tout s’achète y compris les femmes, et où l’on se cache derrière une hypocrisie pitoyable. Tableau sombre mais non dénué d’humour grinçant qui relègue Le Caire à une ville grouillante et pouilleuse. Agé de 33 ans, l’auteur fait partie de cette jeune génération d’artistes qui jette un regard lucide sur les interdits religieux, sur une prostitution omniprésente et soulève la question de l’avenir de cette jeunesse »acteur » de la Révolution. Mais avec quel résultat?
MAUVAISES PASSES, ROMAN DE MOHAMED S. AL-AZAB, ÉDITIONS DU SEUIL, TRADUIT DE L’ARABE (EGYPTE), 125 PAGES.
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