Sayaka Murata s’est fait connaître par un court roman aussi insolite que grinçant, Konbini, la fille de la supérette, prix Akutagawa en 2016, et succès international retentissant dans la foulée.
L’autrice japonaise y mettait en scène Keiko Furukura, trentenaire célibataire se contentant de son emploi de caissière dans un konbini, ces supérettes ouvertes 24 heures sur 24, au désespoir de son entourage, impatient de la voir enfin entrer dans la « vraie » vie et fonder une famille. Ce refus de se conformer au moule imposé par la société, on le retrouve aujourd’hui dans Les Terriens, son deuxième roman traduit en français. Elle y raconte l’histoire de Natsuki, fillette solitaire se retranchant dans un monde imaginaire où elle est une mahô shôjo, douée de pouvoirs magiques et protégeant la Terre avec l’aide de Pyûto, son hérisson en peluche originaire de la planète Pohapipinpobopia. Elle y est aussi mariée à son cousin Yû, avec qui elle espère un jour s’envoler pour un horizon plus hospitalier.
En attendant, elle survit, confrontée durement à la violence du monde, familiale -« Avoir une poubelle dans une maison, c’est pratique. Chez nous, ce rôle m’a été attribué…« – ou émanant de son environnement scolaire, où elle subit les assauts d’un professeur, quand elle ne fait pas l’expérience amère des interdits de la « fabrique à humains »… Expression désignant cette société japonaise aux normes étouffantes dont elle continue à se défier adulte, et que Sayaka Murata passe au scalpel d’une écriture incisive et d’un imaginaire vertigineux, la critique, féroce, adoptant pour le coup la forme d’une aventure cosmique déroutante. Secouant, et stimulant.
ROMAN. De Sayaka Murata, éditions Denoël, traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon, 256 pages. ***(*)
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici