Modèle d’insolence, de drôlerie et de transgression, Le Bal des folles, réédité, confirmait Copi comme l’éternelle figure du Paris libertaire des 70’s.
Dans les 60’s, il y eut la British Invasion, où Stones et Beatles surgirent en fanfare dans la patrie de Joe Biden. Presque dans le même temps, à Paris, il semblerait y avoir eu un débarquement argentin. On éxagère peut-être un peu: pour fuir le régime de Perón, le père de Copi traîne sa famille d’Uruguay jusqu’à Haïti, puis à New York; mais c’est tout seul, que Raúl Damonte Botana, dit Copi, né à Buenos Aires, déboule en France en 1963. Son français est loin d’être parfait, mais il dessine. On lui conseille d’apporter ses planches à l’humour surréaliste au Nouvel Observateur. Bingo! Son personnage de La Femme assise va régulièrement trôner dans les pages de l’hebdomadaire (puis de Hara-Kiri, de Charlie Hebdo, etc.), et lui rapporter l’argent nécessaire à satisfaire sa passion première: le théâtre. Avec quelques autres exilés argentins (Alfredo Arias, Jorge Lavelli, Jérôme Savary), il va sérieusement s’y mettre. C’est surtout dans ce milieu qu’il se fera un nom et deviendra une figure majeure du Saint-Germain-des-Prés gay. Il mourra du sida en 1987, à 48 ans.
Sous l’impulsion de l’éditeur Christian Bourgois, il commence à écrire. Et après le délirant L’Uruguayen, voilà le non moins barré Le Bal des folles, une sorte de méta- fiction déviante. L’auteur s’y plaint de son inefficacité créative et du harcèlement constant de son éditeur en résultant. Copi affiche un style à la syntaxe discutable; sa plume n’en est pas moins hypnotique et unique, du français décomplexé! Le texte, lui, est toujours compact, sans saut de ligne ni paragraphe, amplifiant encore l’impression qu’il lui vient en un flux ininterrompu sous nos yeux ébahis.
Par le nombril
Pierre, jeune amant romain du narrateur (Copi), est mort. « Et le roman se compose tout seul dans la douleur que sa mort me provoque… » Copi va effectuer de nombreux va-et-vient dans le temps, mais aussi entre Paris, Rome, Ibiza et New York. Au milieu du Paris interlope, Copi aura fort à faire avec Marylin, sorte de reine des « folles » calquée sur la fameuse Marie-France, qui le tyrannise à travers le récit.
Dans ce roman picaresque et fou, on apprend que le nombril de Pierre est une zone érogène, on croise Sempé et Goscinny, du sexe, un boa qui coûte une jambe à Copi, un requin, encore du sexe, des triplés… La fiction se confond avec la réalité, mais les cadavres s’empilent -à moins que, comme Pamela dans Dallas, on ne se rende compte que tout n’était qu’un rêve… C’est cru, crade, cruel et monstrueux. Copi se demande d’ailleurs si le roman sera publié -son éditeur n’en est pas sûr, il le trouve « abominablement snob ».
En exergue de sa postface, le dramaturge Thibaud Croisy cite Pierre Bourgeade dans Warum: »La nature du roman est le sexe. Le roman est un acte sexuel. » Eh bien, dans Le Bal des folles, comme le Romain Pierre, le roman jouit du nombril…
Le Bal des folles
De Copi, éditions Christian Bourgois, 192 pages. ****
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