Un peintre espagnol pionnier du cubisme, ami de Pablo Picasso et d’autres légendes mais paradoxalement totalement oublié? Jusep Torres Campalans, ledit peintre, n’a jamais existé. Non, ce dernier est tout droit sorti de l’imagination fertile de l’auteur franco-(germano-mexicano)-espagnol Max Aub.
Un peintre espagnol pionnier du cubisme, ami de Pablo Picasso et d’autres légendes comme Mondrian, mais paradoxalement totalement oublié? Allez, le secret est depuis longtemps éventé -et divulgâché jusqu’en quatrième de couverture de cette réédition: Jusep Torres Campalans, ledit peintre, n’a jamais existé. Non, ce dernier est tout droit sorti de l’imagination fertile de l’auteur franco-(germano-mexicano)-espagnol Max Aub.
Publié pour la première fois en 1958, la fausse biographie parviendra à en tromper plus d’un. Avouons que lorsqu’Aub décrit le Paris des années 1920, on s’y croirait. Tout comme lorsque Campalans critique certains cubistes -le pauvre Juan Gris en prend particulièrement pour son grade. « Tout tableau: un autoportrait », dit Campalans dans le livre. La formule semble être tout aussi valable en littérature, car si certains détails sont parfois d’une précision inouïe dans le livre, c’est tout simplement parce qu’Aub a fréquenté les mêmes milieux bohèmes, et lui-même côtoyé le grand Picasso (à qui il commandera ce qui deviendra Guernica).
Jusep Torres Campalans, qu’il prétend avoir rencontré dans le Chiapas mexicain où le peintre anarchiste se serait retiré pour toujours, est lui aussi tout à fait crédible, en artiste pur et dur voyant la peinture comme « une série d’attentats ». Il lui prête même l’invention du mot « cubisme ». Plus loin, il se met à retranscrire l’intégralité du « cahier vert » de Campalans, truffé de considérations théoriques sur la peinture. Encore mieux, le livre fourmille de reproductions des oeuvres du maître oublié, évidemment (et brillamment) peintes par Max Aub en personne. Aub réussit là une super-supercherie qui fit, paraît-il, bien rire (le vrai) Picasso.
Réédition de Max Aub, éditions Verticales, traduit de l’espagnol par Alice et Pierre Gascar, 336 pages. ****
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