Sous la forme d’une autobiographie d’une mini-miss devenue bobybuildeuse, Olivier Bourdeaut livre un récit acide, mordant et jubilatoire.
Elizabeth Vernn a sept ans lorsqu’elle remporte un concours de mini-miss en Floride. État qu’elle sillonne de long en large tous les week-ends pendant cinq interminables années sous la coupe d’une maman, baptisée affectueusement la Reine Mère, pendant que son paternel, surnommé le Valet, reste à la maison, longe les murs et baisse les yeux. Cultivant une haine féroce envers ses géniteurs, Elizabeth sabote sa (jeune) carrière en plein vol lors d’un concours où, dit-elle: « Je me retourne, je tape sur mon cul, je virevolte, je crie, je ris, je soulève ma robe et j’inonde la scène. Parfois pisser est une petite jouissance, là c’est un orgasme. » Pour son troisième roman, l’auteur de En attendant Bojangles et de Pactum salis a la toute bonne idée d’épouser la forme de l’autobiographie pour raconter la trajectoire complètement hallucinante d’Elizabeth. Qui (se) raconte à la première personne, dans un style ultra fluide, où il n’est pas rare de relire deux fois la même phrase, histoire de mesurer la violence des mots qui fusent comme des balles. Une peu comme celle ou celui qui balance les pires horreurs entre deux portes; au point qu’on n’est jamais sûr d’avoir bien entendu… « Avant je montais sur le podium pour montrer la miss, conserver et gagner de l’amour. Désormais, je veux y monter pour montrer mes muscles, ma haine de moi, des autres. » BOUM!
Le Miami de Versace
La transformation physique de la narratrice -qui fugue du nid familial pour échouer, après moult péripéties trash et hardcore, dans l’atelier d’un artiste underground à Miami: Alec, le rasta blanc, sert de fil rouge à Florida. Elizabeth se mue en muse pour son « sauveur » et maltraite délibérément son corps à grand renfort de stéroïdes et d’heures en salle avec toujours, dans le viseur, cette vengeance bien salée en destination de la Reine Mère et du Valet. Une vendetta qui fait écho, comme l’écrit d’ailleurs Bourdeaut, au roman d’Alexandre Dumas Le Comte de Monte-Cristo. C’est dire la toute-puissance de l’entreprise. L’écrivain convoque aussi nommément De sang-froid et Prières exaucées de Truman Capote et Requiem for a Dream de Hubert Selby Jr. Ce à quoi on pourrait ajouter Body de Harry Crews et Lointain souvenir de la peau de Russell Banks. Références mises à part, Florida en dit long sur cette Amérique qui s’astique devant le miroir. Culture de l’image, hypersexualité, culte du corps, le monde de l’art, le Miami de Versace… Tout y passe ou presque avec un sens du tempo qui fait que Florida est autant addictif que jouissif.
Florida
D’Olivier Bourdeaut, éditions Finitude, 256 pages. ****
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