La BD fait son marché bio
La veine biographique se porte toujours bien en BD. Derniers appelés: un révolutionnaire, deux romantiques et une icône des années folles.
Point commun entre Fidel Castro, Françoise Dolto, Nietzsche, Betty Page et l’abbé Pierre? Ils ont tous eu droit à leur biographie en bande dessinée. Depuis une petite dizaine d’années, on ne compte en effet plus les mariages d’amour ou de raison entre des auteurs et des personnalités venues de tous horizons. Qui dit union ne dit pourtant pas nécessairement bon ménage. Dans la plupart des cas, ça sent la noce arrangée par un éditeur qui compte bien profiter du nom ronflant d’un bon parti pour attirer le lecteur. D’où ces charrettes de bios indigestes survolant à grande vitesse les vies de Christophe Colomb, Bob Marley, Alexandre Nevsky ou Tabarly. Valeur ajoutée artistique: néant.
Heureusement, certains couples ont plus de panache et de raison d’être. On se souvient ainsi avec plaisir des Aventures d’Hergé de Fromental et Boquet (1999), de Johnny Cash de Kleist (2008), de Fritz Haber de David Vandermeulen (2005), de La Guerre d’Alan de Guibert et Cope (2000), ou plus récemment du Cinquième Beatles (l’histoire de Brian Epstein) de Tiwary, Baker et Robinson (2013). A chaque fois, les dessinateurs ne se contentent pas d’ânonner les hauts faits d’armes de leurs conjoints, ils se réapproprient en toute liberté une bouture de leur histoire pour la greffer à leur propre univers. On est parfois très loin de l’original et de la vérité historique mais au moins l’émotion et la singularité transcendent le projet éditorial. Dans la série Pablo, Julie Birmant et Clément Oubrerie réussissent cette alchimie, en adoptant le point de vue de la première compagne du peintre, Fernande, modèle de plusieurs de ses tableaux cubistes, et en tirant un trait léger et stylé, vif et crépitant, sur cette bohème montmartroise.
Quand y en a plus…
Le filon ne semble pas se tarir. Témoin, cette volée de nouveaux titres prenant le train de l’Histoire en marche. A commencer par ce Ni dieu ni maître de Locatelli Kournwsky et Le Roy (Casterman), qui s’attache à faire revivre une grande figure du socialisme radical français du XIXe, Auguste Blanqui, lequel a laissé plus de traces dans les rues de Paris qui portent son nom que dans les mémoires. Républicain farouche, cet insoumis, journaliste et grande gueule, a passé 36 ans en prison -d’où son surnom: L’enfermé- pour ses « délits d’opinion ». Prototype du révolutionnaire qui sacrifie tout pour ses idées, il bénéficie ici d’un hommage aussi rugueux que le personnage.
Dans un registre moins politique, pointons également le Super Zelda de la paire Lo Porto-Marotta (Sarbacane), allusion à la femme libre et flamboyante de Scott Fitzgerald, dont la vie tapageuse et les amours contrariées font écho au festin des années 20. Le dessin est un peu raide et le récit, qui embrasse trop, mal étreint.
L’occasion toutefois de rappeler que ces épousailles sont souvent célébrées sur l’autel de la littérature. Démonstration encore avec cette nouvelle collection au Lombard qui met en vitrine des écrivains romantiques. Casanave et Vandermeulen (encore lui!) sont à la manoeuvre dans cette entreprise de désacralisation d’un genre en déclin, l’humour et les anecdotes personnelles venant épicer les illustres tranches de vie. Avant Nerval, Mary Shelley et Chamisso sont les deux premiers à être ranimés. L’auteure de Frankenstein sous la lorgnette de sa relation passionnée avec le poète dandy Percy Shelley. Distrayant et espiègle, sans plus. Gare à l’étiquette donc: les produits bio ne sont pas toujours les meilleurs…
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