Abandonnée par Dargaud, Satanie est exhumée sous forme d’intégrale par la décidément surprenante collection Métamorphose des éditions Soleil.
Persuadé de l’existence de l’enfer au centre de la Terre, un jeune scientifique darwiniste disparaît lors d’une expédition souterraine en tentant de prouver sa théorie. Sa soeur Charlie part à sa recherche, accompagnée d’une équipe de secours composée plus de bras cassés que de véritables hommes de terrain. L’histoire commence lorsqu’ils sont rejoints par l’abbé du village, venu les avertir du danger imminent de la montée des eaux. Trop tard! Toute l’équipe est emportée au loin. Ils ne doivent leur salut qu’à l’homme de Dieu, grand habitué des lieux. Ils vont errer dans les galeries souterraines, bientôt le ventre vide, dans l’obscurité complète. Suivant leur instinct -et les appels d’air-, ils tombent sur une civilisation recluse depuis une centaine d’années, peuplée de femmes et d’hommes ayant fui la folie humaine de la surface. Ceux-ci ont bien vu passer le scientifique mais ont perdu sa trace lorsqu’il a continué son chemin toujours plus bas… Ici se clôturait la première partie des aventures de Charlie sur un magistral et très sauvage pétage de plombs, dû à la folie meurtrière d’un des membres de l’équipe. Les survivants vont continuer leur périple en découvrant des univers étranges et fascinants. Ce voyage physique est également introspectif, la mère de Charlie ne ratant aucune occasion de venir torturer sa fille dans ses rêves.
Les couleurs des profondeurs
La force du duo Kerascoët (Miss Pas Touche, Beauté), qu’il travaille avec Vehlmann ou Hubert (dont l’ombre scénaristique plane ici), est de mélanger un dessin faussement naïf avec un récit violent. Moins morbide que pour leur précédente collaboration (Jolies Ténèbres), Satanie n’en est pas moins sauvage. D’une part, les contrées enfouies sont de plus en plus dangereuses, peuplées de créatures de plus en plus laides et répugnantes et d’autre part le scénario n’épargne personne, ce qui crée une tension constante et grandissante. Parallèlement, la folie gagne de plus en plus les membres survivants. Chaque étape géographique, chaque nouvelle découverte est prétexte à une remise en question des bases fondamentales et des croyances qui habitent chacun, et particulièrement Charlie. Pour citer Vehlmann: « Je voulais que Satanie soit une descente symbolique au coeur de Charlie, dans les méandres de sa psyché adolescente. » Le travail des couleurs est également à souligner. Les Kerascoët utilisent une charte de couleurs différente pour chaque nouveau lieu visité. Interrogés à ce sujet, ils expliquent: « La palette de couleurs (et donc d’impression) est primordiale dans ce genre de récit. […] Nous avons essayé de capter différentes touches qui composeraient un tableau que nous espérons le plus riche en émotions. » Et c’est réussi! Saluons enfin Barbara Canepa et Clotilde Vu, directrices de la collection Métamorphose, qui savent toutes deux ce que c’est de fabriquer de très beaux albums.
INTÉGRALE. DE KERASCOËT ET FABIEN VEHLMANN, ÉDITIONS SOLEIL, 126 PAGES. ****
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